Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/410

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Porter sur mon désastre un regard de bonté ;
Ses soins ont adouci mn fortune cruelle :
J’apprends à moins souffrir en souffrant auprès d’elle.

YDASAN.

Je vais trouver ce roi : j’espère que son cœur,
Quoiqu’il soit corrompu par trente ans de bonheur,
Quoique le rang suprême et le temps l’endurcisse,
N’osera devant moi commettre une injustice :
Il se ressouviendra que je fus son égal.

LA PRÊTRESSE.

Il l’a trop oublié.

YDASAN.

Dans son faste royal
Il rougira peut-être en voyant ma misère.

LA PRÊTRESSE.

J’en doute : mais allez, tendre et généreux père.
Que la simple vertu puisse enfin le toucher !
Surtout que de son trône on vous laisse approcher.


Scène III.



YDACE, LA PRÊTRESSE.


YDACE.

De nos dieux méconnus prêtresse bienfaisante,
Au malheur qui me suit comme eux compatissante,
Contre un fils du tyran vous qui me protégez ;
Vous qui voyez l’abîme où mes pas sont plongés,
Ne m’abandonnez pas.

LA PRÊTRESSE.

Hélas ! que puis-je faire ?
Des ministres des dieux le triste caractère,
Autrefois vénérable, aujourd’hui méprisé[1],
Ce temple encor fumant, dans la guerre embrasé,
Les autels de Cérès enterrés sous la cendre,
Mes prières, mes cris, pourront-ils vous défendre ?

YDACE.

Souffrira-t-on du moins que, loin de ce séjour,
Je retourne à Carthage où je reçus le jour ?

LA PRÊTRESSE.
  1. Triste ministerium, quondam venrabile terrus. (B.)