Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/411

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Agathocle en des mains avares, sanguinaires,
A remis le maintien de ses lois arbitraires.
Polycrate son fils commande sur le port ;
Les prisons, les vaisseaux ; tout ce séjour de mort,
Tout est à lui : le roi lui donne pour partage
Les droits du souverain levés sur l’esclavage.
Les captifs sont traités comme de vils troupeaux
Destinés à la mort, aux cirques, aux travaux,
Aux plaisirs odieux des caprices d’un maître.
Plus fier, plus emporté que le roi n’a pu l’être,
Polycrate vous compte au rang de ces beautés
Qu’il destine à servir ses tristes voluptés.
Amoureux sans tendresse, et dédaignant de plaire,
Féroce en ses désirs ainsi qu’en sa colère,
C’est un jeune lion qui, toujours menaçant,
Veut ravir sa conquête, et l’aime en rugissant.
Non, son père jamais ne fut plus tyrannique
Qu’en nommant héritier ce monstre despotique.

YDACE.

Ah ! d’où vient que les dieux, pour moi toujours cruels,
Ont exposé mes yeux à ses yeux criminels ?
Entre son frère et lui, ciel ! quelle différence
L’humanité d’Argide égale sa vaillance :
Ce frère vertueux d’un brigand détesté
S’est attendri du moins sur ma calamité ;
Pourrai-je dans Argide avoir quelque espérance ?

LA PRÊTRESSE.

Argide a des vertus, et bien peu de puissance :
Polycrate est le maître ; il dévore le fruit
Des travaux d’un vieillard au sépulcre conduit…
Mais avouerai-je enfin mes secrètes alarmes ?
Argide est un héros, vos regards ont des charmes ;
Et, malgré les horreurs de cet affreux séjour,
L’infortune amollit et dispose à l’amour.
Un prince né pour plaire, et qui cherche à séduire,
Veut sur notre faiblesse établir son empire ;
L’innocence succombe aux tendresses des grands ;
Et les plus dangereux ne sont pas les tyrans.

YDACE.

Ah ! que m’avez-vous dit ? Sa bonté généreuse
Serait un nouveau piège à cette malheureuse !