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DEUXIÈ.MIÎ JOUUNKK. 509

Bientôt.après, Iléraclius et Lconide reviennent au son de la musique, et Héraclius fait l’amour à Cintia à peu près comme Arlequin sauvage. Il lui avoue d’ailleurs qu’il se sent une secrète horreur pour Phocas. Les paysans gracieux apprennent à Héraclius et à Léonide que Phocas est à la chasse au tigre, et qu’il est dans un grand danger. Léonide s’attendrit au péril de Phocas : ainsi la nature s’explique dans Léonide et dans Iléraclius ; mais elle se dément bien dans le reste de la pièce. On les fait tous deux entrer dans le palais magnifique que le sorcier fait paraître ; on leur donne des habits de gala. Cintia leur fait encore entendre de la musique : on répond, en chantant, à toutes leurs questions. On chante à deux chœurs ; le premier chœur dit : « On ne sait si leur origine royale est mensonge ou vérité. » Le second chœur dit : « Que leur bonheur soit vérité et mensonge. » Ensuite on leur présente à chacun une épée.

Je ceins cette épée en frissonnant (dit Héraclius) : je me souviens qu’Astolphe me disait que c’est l’instrument de la gloire, le trésor de la renommée ; que c’est sur le crédit de son épée que la valeur accepte toutes les ordonnances du trésor royal : plusieurs la prennent comme un ornement, et non comme le signe de leur devoir. Peu de gens oseraient accepter cette feuille blanche s’ils savaient à quoi elle oblige.

Pour Léonide, quand il voit ce beau palais et ces riches habits dont on lui fait présent : « Tout cela est beau, dit-il, cependant je n’en suis point ébloui ; je sens qu’il faut quelque chose de plus pour mon ambition. » L’auteur a voulu ainsi développer dans le fils de Maurice l’instinct du courage, et dans le fils de Phocas l’instinct de l’ambition. (]e n’est pas sans génie et sans artifice ; et il faut avouer (pour parler le langage de Calderon) qu’il y a des traits de fou qui s’échappent au milieu de ces épaisses fumées.

Phocas vient voir les deux sauvages ainsi équipés ; ils se prosternent tous deux à ses pieds et les baisent. Phocas les traite tous deux comme ses enfants. Héraclius se jette encore une fois à ses pieds, et les baise encore ; avilissement qui n’était pas nécessaire. Léonide, au contraire, ne le remercie seulement pas : Phocas s’en étonne.

De quoi aurais-je à te remercier ? (lui dit Léonide). Si tu me donnes des honneurs, ils sont dus à ma naissance, quelle qu’elle soit ; si tu m’as accordé la vie, elle m’est odieuse quand je me crois fils de Maurice. — Je ne hais pas cette arrogance (répond Phocas).

Les paysans gracieux se mêlent do la conversation. La reine Cintia et Libia arrivent ; elles ne donnent aucun éclaircissement à Phocas, qui cherche en vain à découvrir la vérité.

Au milieu de toutes ces disputes arrive un ambassadeur du duc de Calabrc, et cet ambassadeur est le duc do Calabro lui-même. Il baise aussi les pieds de Phocas, pour mériter, dit-il, de lui baiser la main. Phocas le relève, le prétendu ambassadeur parle ainsi :

Le grand-duc Frédéric sachant, ô empereur ! que vous êtes en Sicile, m’envoie devers vous et devers la reine Cintia pour vous féliciter tous deux, vous, de votre arrivée, et elle, de l’honneur qu’elle a de posséder un tel hôte ; il veut mériter de baiser sa