Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/547

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des romances de 1G41. Ce qui est certain, c’est que le docteur maître Emmanuel de Guerajuge ecclésiastique, cluirgé de revoir tous les ouvrages de Calderon après sa mort, parle ainsi de lui en 1682 : Lo que mas admiro y admire en este raro iiujenio fuè que à ningiino imita. Maître Emmanuel aurait-il dit que Calderon n’imita jamais personne, s’il avait pris le sujet LVHcraclius dans Corneille ? Ce docteur était très-instruit de tout ce qui concernait Calderon ; il avait travaillé à quelques-unes de ses comédies ; tantôt ils faisaient ensemble des pièces galantes, tantôt ils composaient des actes sacramentaux, qu’on joue encore en Espagne. Ces actes sacramentaux ressemblent pour le fond aux anciennes pièces italiennes et françaises, tirées de l’Écriture ; mais ils sont chargés de beaucoup dï’j)isodes et de fictions. Le peuple de Madrid y courait en foule. Le roi Philippe IV envoyait toutes ces pièces à Louis XÎV les premières années de son mariage.

Au reste, il est très-inutile au progrès des arts de savoir qui est l’auteur original d’une douzaine de vers ; ce qui est utile, c’est de savoir ce qui est bon ou mauvais, ce qui est bien ou mal conduit, bien ou mal exprimé, et de se faire des idées justes d’un art si longtemps barbare, cultivé aujourd’hui dans toute l’Europe, et presque perfectionné en France.

On fait quelquefois une objection spécieuse en faveur des irrégularités des théâtres espagnol et anglais : des peuples pleins d’esprit se plaisent, dit-on, à ces ouvrages : comment peuvent-ils avoir tort ?

Pour répondre à cette objection tant rabattue, écoutons Lope de Vega lui-même, génie égal, pour le moins, à Shakespeare. Voici comme il parle à peu près dans son épître en vers, intitulée Nouvel Art de faire des comédies en ce temps.


Les Vandales, les Goths, dans leurs écrits bizarres,
Dédaignèrent le goût des Grecs et des Romains :
Nos aïeux ont marché dans ces nouveaux chemins ;
Nos aïeux étaient des barbares *.

L’abus règne, l’art tombe, et la raison s’enfuit.

Qui veut écrire avec décence,

Avec art, avec goût, n’en recueille aucun fruit :
Il vit dans le mépris, et meurt dans l’indigence-.

Mas como le sirvieron muchos barbares. Che ensenaron al vulgo à sus rudezas.

Muera siu fama y galardon.