Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/566

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THERÈsE. sur le devant, à droite.

Aga avec votre mari ! Ces contes bleus-là me fatiguent les oreilles, entendez-vous, madame Barbe ? Je crois aux maris comme aux sorciers ; j’en entends toujours parler, et je n’en vois jamais. Il y a deux ans qu’on se moque de moi. mais je sais bien ce que je ferai ; je me marierai bien sans vous tous tant que vous êtes. On n’est pas une sotte, quoiqu’on soit élevée loin de Paris, et Jacqueline-Thérèse de la Cochonnière ne sera pas toujours en prison ; c’est moi qui vous le dis, madame Barbe.

MADAME BARBE.

Tudieu ! comme vous y allez ! Eh bien ! puisque je suis si mal reçue, adieu donc’ ; vous dira qui voudi’a les nouvelles du logis, (ed pleurant.) Cela est bien dénaturé de traiter ainsi madame Barbe, qui vous a si bien élevée.

THÉRÈSE.

Va, va, ne pleure point, je te demande pardon. Qu’est-ce que tu me disais d’un mari ?

M A D À JI E BARBE.

Rien, rien ; je suis une duègne, je suis une importune, vous ne saurez rien.

THÉRÈSE.

Ah ! ma pauvre petite Barbe, je m’en vais pleurer a mon tour.

MADAME BARBE.

Allez, ne pleurez point, M. le comte de Boursoufle est arrivé, et vous allez être madame la comtesse.

THÉRÈSE.

Dis-tu vrai ? Est-il possible ? Ne me trompes-tu point, ma chère Barbe ? Il y a ici un mari pour moi ! un mari, un mari ! (Elle remonte vers la droite, au fond.) Qu’on me le montre ! Où est-il, que je le voie, que je voie monsieur le comte ! Me voilà mariée, me voilà comtesse, me voilà à Paris ! Je ne me sens pas de joie ; viens que je t’étouffe de caresses.

MADAME BARBE.

Le bon petit naturel !

THÉRÈSE.

Premièrement, une grande maison magnifique, et des diamants, et des perles comme s’il en pleuvait, et six grands laquais, et l’Opéra tous les jours, et toute la nuit à jouer, et tous les jeunes gens amoureux de moi, et toutes les femmes jalouses ! La tête me tourne, la tête me tourne de plaisir.

MADAME BARBE.

Contenez-vous donc un peu ; tenez, voilà votre mari qui vient, voyez s’il n’est pas beau et bien fait.

THÉRÈSE, courant au fond à sa rencontre.

Ah ! je l’aime déjà de tout mon cœur. Ne dois-je pas courir l’embrasser, madame Barbe ?

MADAME BARBE, la retenant.

Non, vraiment, gardez-vous-en bien ; il faut, au contraire, être sur la réserve.

t. Thérèse, Mme Barbe.