Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/155

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Ce héros factieux fut massacré dans Blois.
Et la voix de son sang, qui coule en abondance,
Semble accuser Valois et demander vengeance.
Ce fut dans ce terrible et lugubre appareil,
Qu’au milieu des pavots que verse le sommeil,
Il vint trouver Clément au fond de sa retraite.
La Superstition, la Cabale inquiète,
Le faux Zèle enflammé d’un courroux éclatant,
Veillaient tous à sa porte, et l’ouvrent à l’instant.
Il entre, et d’une voix majestueuse et fière :
« Dieu reçoit, lui dit-il, tes vœux et ta prière ;
Mais n’aura-t-il de toi, pour culte et pour encens,
Qu’une plainte éternelle, et des vœux impuissants ?
Au Dieu que sert la Ligue il faut d’autres offrandes ;
Il exige de toi les dons que tu demandes.
Si Judith autrefois, pour sauver son pays,
N’eût offert à son Dieu que des pleurs et des cris ;
Si, craignant pour les siens, elle eût craint pour sa vie,
Judith eût vu tomber les murs de Béthulie :
Voilà les saints exploits que tu dois imiter,
Voilà l’offrande enfin que tu dois présenter.
Mais tu rougis déjà de l’avoir différée…
Cours, vole, et que ta main, dans le sang consacrée,
Délivrant les Français de leur indigne roi,
Venge Paris, et Rome, et l’univers, et moi.
Par un assassinat Valois trancha ma vie ;
Il faut d’un même coup punir sa perfidie.
Mais du nom d’assassin ne prends aucun effroi ;
Ce qui fut crime en lui sera vertu dans toi.
Tout devient légitime à qui venge l’Église :
Le meurtre est juste alors, et le ciel l’autorise…
Que dis-je ? il le commande ; il t’instruit par ma voix
Qu’il a choisi ton bras pour la mort de Valois :
Heureux si tu pouvais, consommant sa vengeance,
Joindre le Navarrois au tyran de la France ;
Et si de ces deux rois tes citoyens sauvés
Te pouvaient…! Mais les temps ne sont pas arrivés.
Bourbon doit vivre encor ; le Dieu qu’il persécute
Réserve à d’autres mains la gloire de sa chute.
Toi, de ce Dieu jaloux remplis les grands desseins,
Et reçois ce présent qu’il te fait par mes mains. »