Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/203

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Et, dans la nuit obscure apportant la lumière,
Sondent les profondeurs de la nature entière ?
L’erreur présomptueuse à leur aspect s’enfuit.
Et vers la vérité le doute les conduit.
« Et toi, fille du ciel, toi, puissante harmonie,
Art charmant qui polis la Grèce et l’Italie,
J’entends de tous côtés ton langage enchanteur,
Et tes sons, souverains de l’oreille et du cœur !
Français, vous savez vaincre et chanter vos conquêtes :
Il n’est point de lauriers qui ne couvrent vos têtes :
Un peuple de héros va naître en ces climats :
Je vois tous les Bourbons voler dans les combats.
À travers mille feux je vois Condé[1] paraître,
Tour à tour la terreur et l’appui de son maître :
Turenne, de Condé le généreux rival,
Moins brillant, mais plus sage, et du moins son égal.
Catinat[2] réunit, par un rare assemblage,
Les talents du guerrier et les vertus du sage.
Vauban[3], sur un rempart, un compas à la main,
Rit du bruit impuissant de cent foudres d’airain.
Malheureux à la cour, invincible à la guerre,
Luxembourg[4] fait trembler l’Empire et l’Angleterre.

  1. Louis de Bourbon, appelé communément le grand Condé, et Henri, vicomte de Turenne, ont été regardés comme les plus grands capitaines de leur temps; tous deux ont remporté de grandes victoires, et acquis de la gloire même dans leurs défaites. Le génie du prince de Condé semblait, à ce qu'on dit, plus propre pour un jour de bataille, et celui de M. de Turenne pour toute une campagne. Au moins est-il certain que M. de Turenne remporta des avantages sur le grand Condé à Gien, à Étampes, à Paris, à Arras, à la bataille des Dunes; cependant on n'ose point décider quel était le plus grand homme. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Le maréchal de Catinat, né en 1637. Il gagna les batailles de Staffarde et de la Marsaille, et obéit ensuite, sans murmurer, au maréchal de Villeroi, qui lui envoyait des ordres sans le consulter. Il quitta le commandement sans peine, ne se plaignit jamais de personne, ne demanda rien au roi, mourut en philosophe dans une petite maison de campagne à Saint-Gratien, n'ayant ni augmenté ni diminué son bien, et
    n'ayant jamais démenti un moment son caractère de modération. (Id., 1730.)
  3. Le maréchal de Vauban, né on 1633, le plus grand ingénieur qui ait jamais été, a fait fortifier, selon sa nouvelle manière, trois cents places anciennes, et en a bâti trente-trois; il a conduit cinquante-trois sièges, et s'est trouve à cent quarante actions; il a laissé douze volumes manuscrits pleins de projets pour le bien de l'État, dont aucun n'a encore été exécuté. Il était de l'Académie des sciences, et lui a fait plus d'honneur que personne en faisant servir les mathématiques à l'avantage de sa patrie. (Id., 1730.)
  4. François-Henri de Montmorency, qui prit le nom de Luxembourg, maréchal