Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/218

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Ce fils ambitieux d’un père infortuné ;
Dans les murs de Bruxelle il a reçu la vie :
Son père, qu’aveugla l’amour de la patrie,
Mourut sur l’échafaud, pour soutenir les droits
Des malheureux Flamands opprimés par leurs rois :
Le fils, courtisan lâche, et guerrier téméraire,
Baisa longtemps la main qui fit périr son père,
Servit, par politique, aux maux de son pays,
Persécuta Bruxelle, et secourut Paris.
Philippe l’envoyait sur les bords de la Seine,
Comme un Dieu tutélaire, au secours de Mayenne ;
Et Mayenne, avec lui, crut aux tentes du roi
Rapporter à son tour le carnage et l’effroi.
Le téméraire orgueil accompagnait leur trace.
Qu’avec plaisir, grand roi, tu voyais cette audace !
Et que tes vœux hâtaient le moment d’un combat
Où semblaient attachés les destins de l’État.
Près des bords de l’Iton[1] et des rives de l’Eure[2]
Est un champ fortuné, l’amour de la nature :
La guerre avait longtemps respecté les trésors
Dont Flore et les Zéphyrs embellissaient ces bords.
Au milieu des horreurs des discordes civiles,
Les bergers de ces lieux coulaient des jours tranquilles.
Protégés par le ciel et par leur pauvreté,
Ils semblaient des soldats braver l’avidité,
Et, sous leurs toits de chaume, à l’abri des alarmes,
N’entendaient point le bruit des tambours et des armes.
Les deux camps ennemis arrivent en ces lieux :
La désolation partout marche avant eux.
De l’Eure et de l’Iton les ondes s’alarmèrent ;

    secours du duc de Mayenne, à la tête de dix-huit cents lances. À son entrée dans Paris, il reçut les compliments de la ville. Celui qui le haranguait ayant mêlé dans son discours les louanges du comte d’Egmont, son père : « Ne parlez pas de lui, dit le comte, il méritait la mort ; c’était un rebelle. » Paroles d’autant plus condamnables que c’était à des rebelles qu’il parlait, et dont il venait défendre la cause. (Note de Voltaire, 1730.)

  1. Ce fut dans une plaine entre l’Iton et l’Eure que se donna la bataille d’Ivry, le 14 mars 1590. (Id., 1730.)
  2. La rime indique comment il faut prononcer le dernier mot de ce vers. Ce mot est encore employé en rime dans le vers 125 du chant IX. Voltaire s’est conformé à la prononciation du pays. Hamilton, dans son Épître à Boileau, et Bertin, dans sa lettre au chevalier du Hautier, ont fait aussi rimer Eure avec nature.