Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/229

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Suivez-moi, rappelez votre antique vertu ;
Combattez sous d’Aumale, et vous avez vaincu. »
Aussitôt secouru de Beauvau, de Fosseuse,
Du farouche Saint-Paul, et même de Joyeuse,
Il rassemble avec eux ces bataillons épars,
Qu’il anime en marchant du feu de ses regards.
La fortune avec lui revient d’un pas rapide :
Biron soutient en vain, d’un courage intrépide,
Le cours précipité de ce fougueux torrent ;
Il voit à ses côtés Parabère expirant ;
Dans la foule des morts il voit tomber Feuquière ;
Nesle, Clermont, d’Angenne, ont mordu la poussière ;
Percé de coups lui-même, il est près de périr…
C’était ainsi, Biron ; que tu devais mourir[1] !
Un trépas si fameux, une chute si belle,
Rendait de ta vertu la mémoire immortelle.
Le généreux Bourbon sut bientôt le danger
Où Biron, trop ardent, venait de s’engager :
Il l’aimait, non en roi, non en maître sévère
Qui souffre qu’on aspire à l’honneur de lui plaire,
Et de qui le cœur dur et l’inflexible orgueil
Croit le sang d’un sujet trop payé d’un coup d’œil.
Henri de l’amitié sentit les nobles flammes[2] :
Amitié, don du ciel, plaisir des grandes âmes ;
Amitié, que les rois, ces illustres ingrats,
Sont assez malheureux pour ne connaître pas[3] !
Il court le secourir ; ce beau feu qui le guide
Rend son bras plus puissant, et son vol plus rapide.
Biron[4], qu’environnaient les ombres de la mort,
À l’aspect de son roi fait un dernier effort ;
Il rappelle, à sa voix, les restes de sa vie ;

  1. Voyez plus haut, sur Charles de Gontaud de Biron, la note 2 de la page 202.
  2. On a dit que Voltaire inséra ces vers quand il eut appris comment on aimait à la cour de Versailles et à celle de Potsdam. Mais ils furent imprimés, pour la première fois, dans l'édition de 1737.
  3. La légende veut que, dans ces vers, Voltaire ait fait allusion à ses déboires tant à la cour de France qu'à celle de Prusse (1749 et 1753); mais ces vers ont été composés en 1737, et Frédéric les cite lui-même dans sa préface de 1739. C'est dommage pour la légende. (G. A.)
  4. Le duc de Biron fut blessé à Ivry, mais ce fut au combat de Fontaine-Française que Henri le Grand lui sauva la vie. On a transporté à la bataille d'Ivry cet événement, qui, n'étant point un fait principal, peut être aisément déplacé. (Note de Voltaire, 1730.)