Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/230

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Sous les coups de Bourbon, tout s’écarte, tout plie :
Ton roi, jeune Biron, Carrache à ces soldats
Dont les coups redoublés achevaient ton trépas ;
Tu vis : songe du moins à lui rester fidèle.
Un bruit affreux s’entend. La Discorde cruelle,
Aux vertus du héros opposant ses fureurs,
D’une rage nouvelle embrase les ligueurs.
Elle vole à leur tête, et sa bouche fatale
Fait retentir au loin sa trompette infernale.
Par ses sons trop connus d’Aumale est excité :
Aussi prompt que le trait dans les airs emporté,
Il cherchait le héros ; sur lui seul il s’élance ;
Des ligueurs en tumulte une foule s’avance :
Tels, au fond des forêts, précipitant leurs pas,
Ces animaux hardis, nourris pour les combats,
Fiers esclaves de l’homme, et nés pour le carnage,
Pressent un sanglier, en raniment la rage ;
Ignorant le danger, aveugles, furieux,
Le cor excite au loin leur instinct belliqueux ;
Les antres, les rochers, les monts en retentissent :
Ainsi contre Bourbon mille ennemis s’unissent ;
Il est seul contre tous, abandonné du sort,
Accablé par le nombre, entouré de la mort.
Louis, du haut des cieux, dans ce danger terrible,
Donne au héros qu’il aime une force invincible ;
Il est comme un rocher qui, menaçant les airs,
Rompt la course des vents et repousse les mers.
Qui pourrait exprimer le sang et le carnage
Dont l’Eure, en ce moment, vit couvrir son rivage !
Ô vous, mânes sanglants du plus vaillant des rois,
Éclairez mon esprit, et parlez par ma voix !
Il voit voler vers lui sa noblesse fidèle ;
Elle meurt pour son roi, son roi combat pour elle.
L’effroi le devançait, la mort suivait ses coups,
Quand le fougueux Egmont s’offrit à son courroux.
Longtemps cet étranger, trompé par son courage,
Avait cherché le roi dans l’horreur du carnage
Dût sa témérité le conduire au cercueil,
L’honneur de le combattre irritait son orgueil.