Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/233

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Vivez pour un parti dont vous êtes l’honneur ;
Vivez pour réparer sa perte et son malheur :
Que vous et Bois-Dauphin, dans ce moment funeste,
De nos soldats épars assemblent ce qui reste.
Suivez-moi l’un et l’autre aux remparts de Paris :
De la Ligue en marchant ramassez les débris :
De Coligny vaincu surpassons le courage. »
D’Aumale, en l’écoutant, pleure, et frémit de rage.
Cet ordre qu’il déteste, il va l’exécuter ;
Semblable au fier lion qu’un Maure a su dompter,
Qui, docile à son maître, à tout autre terrible,
À la main qu’il connaît soumet sa tête horrible,
Le suit d’un air affreux, le flatte en rugissant,
Et paraît menacer, même en obéissant.
Mayenne cependant, par une fuite prompte,
Dans les murs de Paris courait cacher sa honte.
Henri victorieux voyait de tous côtés
Les ligueurs sans défense implorant ses bontés.
Des cieux en ce moment les voûtes s’entr’ouvrirent
Les mânes des Bourbons dans les airs descendirent.
Louis au milieu d’eux, du haut du firmament,
Vint contempler Henri dans ce fameux moment,
Vint voir comme il saurait user de la victoire,
Et s’il achèverait de mériter sa gloire.
Ses soldats près de lui, d’un œil plein de courroux,
Regardaient ces vaincus échappés à leurs coups.
Les captifs en tremblant, conduits en sa présence,
Attendaient leur arrêt dans un profond silence.
Le mortel désespoir, la honte, la terreur,
Dans leurs yeux égarés avaient peint leur malheur.
Bourbon tourna sur eux des regards pleins de grâce.
Où régnaient à la fois la douceur et l’audace.
« Soyez libres, dit-il ; vous pouvez désormais
Rester mes ennemis, ou vivre mes sujets.
Entre Mayenne et moi reconnaissez un maître ;
Voyez qui de nous deux a mérité de l’être :
Esclaves de la Ligue, ou compagnons d’un roi,
Allez gémir sous elle, ou triomphez sous moi :
Choisissez. » À ces mots d’un roi couvert de gloire,