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DE FRANCE.

le roi tomba tout d’un coup malade, et mourut. Les circonstances et la promptitude de cet événement, le penchant des hommes à croire que la mort précipitée des princes n’est point naturelle, donnèrent cours au bruit commun que François II avait été empoisonné.

Sa mort donna un nouveau tour aux affaires. Le prince de Condé fut mis en liberté : son parti commença à respirer ; la religion protestante s’étendit de plus en plus ; l’autorité des Guises baissa, sans cependant être abattue ; Antoine de Navarre recouvra une ombre d’autorité dont il se contenta ; Marie Stuart fut renvoyée en Écosse ; et Catherine de Médicis, qui commença alors à jouer le premier rôle sur ce théâtre, fut déclarée régente du royaume pendant la minorité de Charles IX, son second fils.

Elle se trouva elle-même embarrassée dans un labyrinthe de difficultés insurmontables, et partagée entre deux religions et différentes factions, qui étaient aux prises l’une avec l’autre, et se disputaient le pouvoir souverain.

Cette princesse résolut de les détruire par leurs propres armes, s’il était possible. Elle nourrit la haine des Condés contre les Guises ; elle jeta la semence des guerres civiles ; indifférente et impartiale entre Rome et Genève[1], uniquement jalouse de sa propre autorité.

Les Guises, qui étaient zélés catholiques, parce que Condé et Coligny étaient protestants, furent longtemps à la tête des troupes. Il y eut plusieurs batailles livrées : le royaume fut ravagé en même temps par trois ou quatre armées.

Le connétable Anne de Montmorency fut tué à la journée de Saint-Denis, dans la soixante et quatorzième année de son âge. François, duc de Guise, fut assassiné par Poltrot, au siège d’Orléans. Henri III, alors duc d’Anjou, grand prince dans sa jeunesse, quoique roi de peu de mérite dans la maturité de l’âge, gagna la bataille de Jarnac contre Condé, et celle de Moncontour contre Coligny.

La conduite de Condé, et sa mort funeste à la bataille de Jarnac, sont trop remarquables pour n’être pas détaillées. Il avait été blessé au bras deux jours auparavant. Sur le point de donner bataille à son ennemi, il eut le malheur de recevoir un coup de pied d’un cheval fougueux, sur lequel était monté un de ses officiers. Le prince, sans marquer aucune douleur, dit à ceux qui étaient autour de lui : « Messieurs, apprenez par cet accident qu’un

  1. Voyez les notes du chant II, page 68.