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PROCÈS CRIMINEL DE RAVAILLAC.

Louis XIV, et rapporté par un courtisan de ce monarque, par un homme d’honneur qui avait soin de recueillir toutes les anecdotes ? Cependant il est très-faux que la comtesse de Pernits soit morte alors ; il est tout aussi faux qu’il y ait eu trois caméristes malades, et non moins faux que Louis XIV ait prononcé des paroles aussi indiscrètes. Ce n’était point M. de Dangeau qui faisait ces malheureux mémoires, c’était un vieux valet de chambre imbécile, qui se mêlait de faire à tort et à travers des gazettes manuscrites de toutes les sottises qu’il entendait dans les antichambres. Je suppose cependant que ces mémoires tombassent dans cent ans entre les mains de quelque compilateur : que de calomnies alors sous presse ! que de mensonges répétés dans tous les journaux ! Il faut tout lire avec défiance. Aristote avait bien raison quand il disait que le doute est le commencement de la sagesse[1].



EXTRAIT


DU PROCÈS CRIMINEL FAIT À FRANÇOIS RAVAILLAC.


Interrogatoire du 19 mai 1610.


A dit qu’il n’a jamais reçu aucun outrage du roi, et que la cour a assez d’arguments suffisants par les interrogatoires et réponses au procès ; qu’il n’y a nulle apparence qu’il y ait été induit par argent, ou suscité par gens ambitieux du sceptre de France ; car si tant est qu’il eût été porté par argent ou autrement, il semble qu’il ne fût pas venu jusqu’à trois fois et à trois voyages exprès d’Angoulême à Paris, distants l’un de l’autre de cent lieues, pour donner conseil au roi de ranger à l’Église catholique et romaine ceux de la Religion prétendue réformée, gens du tout contraires à la volonté de Dieu et de son Église, parce que qui a volonté de tuer autrui par argent, dès qu’il se laisse malheureusement corrompre par avarice pour assassiner son prince, ne va pas l’avertir comme il a fait trois diverses fois, ainsi que le sieur de La Force a reconnu, depuis l’homicide commis par l’accusé, avoir été dans le Louvre, et prié instamment de le faire parler au roi, à quoi ledit sieur de La Force aurait répondu qu’il était un papault et un catholique à gros grains, lui demandant s’il connaissait M. d’Épernon ; et l’accusé lui répondit que oui, et qu’il était catholique à gros grains : et ayant dit au sieur de La Force qu’étant catholique, apostolique et romain, et voulant tel vivre et mourir, il le suppliait de vouloir le faire parler au roi, afin de déclarer à Sa Majesté l’intention où il était depuis si longtemps de le tuer, n’osant le déclarer à aucun autre, parce que l’ayant dit à Sa Majesté, il se serait désisté tout à fait de cette mauvaise volonté.

  1. Nous joindrons ici un extrait du procès criminel de Ravaillac, qui peut servir de preuve à ce qu’on vient de lire. (K.)

    — J’attribue cette note aux éditeurs de Kehl, parce que leurs éditions sont les premières dans lesquelles j’ai trouvé l’Extrait du procès criminel. (B.)