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DISCOURS l'RÈLI.MINAlHK. 377

Si l'ouvrage anglais est trop rempli de fiel, celui-ci respire riuimanité : on a songé, en célébrant une bataille, à inspirer des sentiments de bienfaisance. Malheur à celui ([ui ne pourrait se plaire qu'aux peintures de la destruction, et aux images des malheurs des hommes !

Les peuples de l'Europe ont des principes d'humanité qui ne se trouvent point dans les autres parties du monde ; ils sont plus liés entre eux; ils ont des lois qui leur sont communes; toutes les maisons des souverains sont alliées; leurs sujets voyagent continuellement, et entretiennent une liaison réciproque. Les Européans chrétiens sont ce qu'étaient les Grecs : ils se font la guerre entre eux ; mais ils conservent dans ces dissensions tant de bienséance, et d'ordinaire de politesse, que souvent un Fran- çais, un Anglais, un Allemand, qui se rencontrent, paraissent être nés dans la même ville. Il est vrai que les Lacédémoniens et les ïhébains étaient moins polis que le peuple d'\thènes; mais enfin toutes les nations de la Grèce se regardaient comme des alliées qui ne se faisaient la guerre que dans l'espérance certaine d'avoir la paix : ils insultaient rarement à des ennemis qui dans peu d'années devaient être leurs amis. C'est sur ce principe qu'on a tâché que cet ouvrage fût un monument de la gloire du roi, et non de la honte des nations dont il a triomphé. On serait fâché d'avoir écrit contre elles avec autant d'aigreur que quelques Français en ont mis dans leurs satires contre cet ouvrage d'un de leurs compatriotes : mais la jalousie d'auteur à auteur est beau- coup plus grande que celle de nation à nation.

On a dit* des Suisses qu'ils sont nos antiques amis et nos conci- toyens, parce qu'ils le sont depuis deux cent cinquante ans. On a dit que les étrangers t[ui servent dans nos armées ont suivi l'exemple de la maison du roi et de nos autres troupes, parce qu'en effet c'est toujours à la nation qui combat pour son prince à donner cet exemple, et que jamais cet exemple n'a été mieux donné.

On n'ôtera jamais à la nation française la gloire de la valeur et de la politesse. On a osé imprimer que ce vers',

Je vois cet étranger, qu'on croit né parmi nous, était un compliment à un général né en Saxe d'avoir l'air français.

t. Vers 260.

'2. Vers 24. Dans le texte ce vers est un peu différent.

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