Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/49

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SUR LA IIEMlLVDi:. 3r

Il semble rapporter toute sa science à inspirer au monde entier une espèce d'amitié universelle, et une horreur générale pour la cruauté et pour le fanatisme.

Également ennemi de l'irréligion, le poëte, dans les dis|)utes que notre raison ne saurait décider, qui dépondent de la révélation, adjuge avec modestie et solidité la préférence à notre doctrine romaine, dont il éclaircit même plusieurs obscurités.

Pour juger de son style, il serait nécessaire de connaître toute l'étendue et la force de la langue: habileté à laquelle il est presque impossible qu'un étranger puisse atteindre, et sans laquelle il n'est pas facile d'approfondir la pureté de la diction.

Tout ce que je puis dire là-dessus, c'est qu'à l'oreille ses vers paraissent aisés et harmonieux, et que dans tout le poëmejen'ai trouvé rien de puéril, rien de languissant, ni aucune fausse pensée : défauts dont les plus excel- lents poêles ne sont pas tout à fait exempts.

Dans Homère et Virgile, on en voit quelques-uns, mais rares : on en trouve beaucoup dans les principaux, ou, pour mieux dire, dans tous les poètes des langues modernes, surtout dans ceux de la seconde classe de l'antiquité.

A l'égard du style, je puis encore ajouter une expérience que j'ai faite, qui donne beaucoup à présumer en sa faveur. Ayant traduit ce poëme cou- ramment, en le lisant à différentes personnes, je me suis aperçu qu'elles en ont senti toute la grâce et la majesté : indice infaillible que le style en est très-excellent. Aussi l'auteur se sert-il d'une noble simplicité et brièveté pour exprimer des choses difficiles et vastes, sans néanmoins rien laisser ii désirer pour leur entière intelligence; talent bien rare, et qui fait l'essence du vrai sublime.

Après avoir fait connaître en général le prix et le mérite de ce poëme, il est inutile d'entrer dans un détail particulier de ses beautés les plus écla- tantes. Il y en a, je l'avoue, plusieurs dont je crois reconnaître les originaux dans Homère, et surtout dans VlUade, copiés depuis avec différents succès par tous les poètes postérieurs; mais on trouve aussi dans ce poëme une infinité de beautés qui semblent neuves, et appartenir en propre à la Ilen- riade.

Telles sont, par exemple, la noblesse et l'allégorie de tout le chant \'\ l'endroit où le poëte représente l'infànie meurtrier de Henri Ht, et sa juste réflexion sur ce misérable assassin.

C'est encore quelque chose de nouveau dans la poésie que le discours ingénieux qu'on lit sur les châtiments à subir après la mort.

Il ne me souvient pas non plus d'avoir vu ailleurs ce beau trait qu'il met dans le caractère de Mornay, quil combat sans vouloir tuer personne ^ .

La mort du jeune d'Ailly-, massacré par son père sans en être connu, m'a fait verser des larmes, quoique j'eusse lu une aventure un peu scm-

1. Chant VIII, vers 204.

2. Ibicl, vers 212 et suiv.

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