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476 VARIANTE DE LA NOTE DE M. MORZA.

Prusse; el comme le nom do ce jeune étranger commence par un V, ainsi que le mien, cette ode fut réimprimée il Ratisbonne, ii Nureml)erg. sous mon nom. On la traduisit il Londres, on m'en fit honneur partout : c'est un honneur (lu'assurément je ne mérite pas. Chaque auteur a son style; celui de cette ode n'est pas le mien; mais ce qui est encore plus contraire à mon état, il mon devoir, à ma place, ii mon caractère, c'est que la pièce sort du profond respect qu'on doit aux couronnes avec qui le roi de Pru.-^se est en guerre; il n'est permis à personne de s'exprimer comme on fait dans ce^ écrit. On doit d'ailleurs avertir tous les auteurs que nous ne sommes plus dans un temps où l'usage permettait îi l'enthousiasme de la poésie de louer un prince aux dépens d'un autre. L'ode sur la prise de Namur, dans laquelle Boileau raille très-indiscrètement le roi d'Angleterre Guillaume III, ne réussirait pas aujourd'hui; et Lamotte fut très-blàmé de n'avoir pas rencKi justice à l'immortel prince Eugène dans une ode au duc de Vendôme.

On ne peut trop louer trois sortes de personnes, Les dieux, sa maîtresse, et son roi.

C'est la maxime d'Ésope et de La Fontaine : mais il ne faut dire d'injures ni aux autres dieux, ni aux autres rois, ni aux autres femmes.

« On m'a imputé encore je ne sais quel poëme sur la Religion natu- relle, imprimé dans Paris, avec le titre de Berlin, par ces imprimeui-s qui impriment tout, et publié aussi sous la première lettre de mon nom. Les brouillons et les délateurs ont beau faire, je n'ai jamais écrit ni en vers ni en prose sur la religion naturelle ou révélée; mais je composai, dans le palais d'un roi et sous ses yeux, en 1751, un poëme sur la Loi naturelle, principe de toute religion, sur cette loi primitive que Dieu a gravée dans nos cœurs, et qui nous enseigne à frémir du mal que nous faisons à nos semblables; ouvrage très-inférieur ii son sujet, mais dont tout homme doit chérir la morale pure, et dans lequel il doit respecter le nom (jui est à la tète.

« Que nous nous éloignons tous tant que nous sommes de celte loi natu- relle, et de la raison qui en est la source! Je ne parle pas ici des guerres ([ui inondent de sang le monde entier depuis qu'il est peuplé ; je parle de nous autres gens paisibles qui l'inondons de nos mauvais écrits, de nos plates disputes, et de nos sottes querelles; je parle de ces graves fous qui enseignent que quatre et quatre font neuf, de nous qui sommes encore plug fous qu'eux quand nous perdons notre temps à vouloir leur faire entendre (|ue quatre et quatre font huit, et des maîtres fous qui, pour nous mettre d'accord, décident que quatre et quatre font dix.

(f D'autres fous mourant de faim composent tous les matins dans leur grenier une des cent mille feuilles qui s'impriment journellement dans notre Europe, croyant fermement, avec frère Castel, que toute la terre a les yeux sur eux, et ne se doutant pas que le soir leurs belles productions périssent il jamais, tout comme les miennes.

« Pendant que ces infatigables araignées font partout leurs toiles, il y

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