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LE TEMPLE DU GOUT. 57-1

de son Éni-idc en vers français, le renvoya assez durement, et laissa venir à sa place M"'« de La Fayette ', qui avait mis sous le nom de Segrais le roman aimable de Zaïdc et celui de la Prin- cesse de Clhves.

On ne pardonne pas à Pellisson d'avoir dit f,n'avement tant de puérilités dans son Hisluirc de l' Académie française, et tl'avoir rap- porté comme des bons mots des choses assez grossières -. Le doux mais faible Pa\illon fait sa conr humblement à M""' Deshoulières, qui est placée fort au-dessus de lui. L'inégaP Saint-Évremond n'ose parler de vers à personne. Balzac assomme de longues phrases hyperbohques Voiture et Benserade, qui lui répondent

��1. Voici ce que M. Huct, évêqiic d'Avraiiches, rapporte, page 20i de ses Com- mentaires, édition d'Amsterdam : « M'""' de La Fayette négligea si fort la gloire qu'elle méritait, qu'elle laissa Zaïde paraître sous le nom de Segrais; et lorsque j'eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Segrais, qui ne savaient pas la vérité, se plaignirent de ce trait comme d'un outrage fait à sa mémoire. Mais c'était un fait dont j'avais longtemps été témoin oculaire, et c'est ce que je suis en état do prouver par plusieurs lettres de M""-' de La Fayette, et par l'original du manuscrit de la Zaïde, dont elle m'envoyait les feuilles à mesure qu'elle les com- posait. » (.\ote de Voltaire, \lli'^.)

2. Voici ce que Pellisson rapporte comme des bons mots : » Sur ce qu'on par- lait de marier Voiture, fils d'un marcliand de vin, à la fille d'un pourvoyeur de

chez le roi :

Oh ! quo v.o tieau couple d'amants Va goCitur de cuiueiitenients ! Que leurs délices seront grandes ! Ils seront toujours en festins; Car si La Prou fournit les viandes, Voiture fournira les vins. »

Il ajoute que VI"" Desloges, jouant au jeu des proverbes, dit à Voiture . « Celui-ci ne vaut rien, percez-nous-en d'un autre. » {UL, ITSô.) Son Histoire ae l'Académie est remplie de pareilles minuties, écrites languissamment : et ceux qui lisent ce livre sans prévention sont bien étonnés de la réputation qu'il a eue. Mais il y avait alors quarante personnes intéressées à le louer, {id., ['i'i9.)

3. On sait à ([uel point Saint-Évremond était mauvais poëto. Ses comédies sont encore plus mauvaises. Cependant il avait tant de réputation qu'on lui offrit cinq cents louis pour imprimer sa comédie de Sir Pulitik. (Id., \l'i'i.)

i. Voiture est celui de tous ces illustres du t(nnps passé qui eut le plus de gloire, et celui dont les ouvrages le méritent le moins, si vous en exceptez quatre ou cinq petites pièces de vers, et peut-être amant de lettres. Il passait pour écrire des lettres mieux que Pline, et ses lettres ne valent guère mieux que celles de Le Pays et de Boursault.

Voici quelques-uns de ses traits : « Lorsque vous me déchirez le cœur et que vous le mettez en mille pièces, il n'y en a pas une qui ne soit à vous, et un de vos souris confit mes plus amères douleurs. Le regret de ne vous plus voir me coûte, sans mentir, plus de cent mille larmes. Sans mentir, je vous conseille de vous faire roi de Madère. Imaginez-vous le plaisir d'avoir un royaume tout de sucre! A dire le vrai, nous y vivrions avec beaucoup de douceur. »

Il écrit à Chapelain : « Et notez, quand il me vient en la pensée que c'est au

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