Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/140

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Mes parents morts, libre dans ma tristesse,
Cachée au monde, et fuyant tous les yeux,
Dans le secret le plus mystérieux
J’ensevelis mes pleurs et ma grossesse.
Mais par malheur, hélas ! je suis la nièce
De l’archevêque… " A ces funestes mots,
Elle sentit redoubler ses sanglots.
Puis vers le ciel tournant ses yeux en larmes :
" J’avais, dit-elle, en secret mis au jour
Le tendre fruit de mon furtif amour ;
Avec mon fils consolant mes alarmes,
De mon amant j’attendais le retour.
A l’archevêque il prit en fantaisie
De venir voir quelle espèce de vie
Menait sa nièce au fond de ses forêts
Pour ma campagne il quitta son palais.
Il fut touché de mes faibles attraits :
Cette beauté, présent cher et funeste,
Ce don fatal, qu’aujourd’hui je déteste,
Perça son cœur des plus dangereux traits.
Il s’expliqua : ciel ! que je fus surprise !
Je lui parlai des devoirs de son rang,
De son état, des nœuds sacrés du sang :
Je remontrai l’horreur de l’entreprise ;
Elle outrageait la nature et l’Église.
Hélas ! j’eus beau lui parler de devoir,
Il s’entêta d’un chimérique espoir.
Il se flattait que mon cœur indocile
D’aucun objet ne s’était prevenu,
Qu’enfin l’amour ne m’était point connu,
Que son triomphe en serait plus facile ;
Il m’accablait de ses soins fatigants,
De ses désirs rebutés et pressants.



" Hélas ! un jour, que toute à ma tristesse
Je relisais cette douce promesse,
Que de mes pleurs je mouillais cet écrit,
Mon cruel oncle en lisant me surprit.
Il se saisit, d’une main ennemie,
De ce papier qui contenait ma vie :
Il lut ; il vit dans cet écrit fatal
Tous mes secrets, ma flamme, et son rival.
Son âme alors, jalouse et forcenée,