Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/141

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A ses désirs fut plus abandonnée.
Toujours alerte, et toujours m’épiant,
Il sut bientôt que j’avais un enfant.
Sans doute un autre en eût perdu courage.
Mais l’archevêque en devint plus ardent ;
Et se sentant sur moi cet avantage :
" Ah ! me dit-il, n’est-ce donc qu’avec moi
" Que vous avez la fureur d’être sage ?
" Et vos faveurs seront le seul partage
" De l’étourdi qui ravit votre foi !
" Osez-vous bien me faire résistance ?
" Y pensez-vous ? Vous ne méritez pas
" Le fol amour que j’ai pour vos appas :
" Cédez sur l’heure, ou craignez ma vengeance. "
Je me jetai tremblante à ses genoux ;
J’attestai Dieu, je répandis des larmes.
Lui, furieux d’amour et de courroux,
En cet état me trouva plus de charmes.
Il me renverse, et va me violer ;
A mon secours il fallut appeler :
Tout son amour soudain se tourne en rage.
D’un oncle, ô ciel, souffrir un tel outrage !
De coups affreux il meurtrit mon visage.
On vient au bruit ; mon oncle au même instant
Joint à son crime un crime encor plus grand :
" Chrétiens, dit-il, ma nièce est une impie ;
" Je l’abandonne, et je l’excommunie :
" Un hérétique, un damné suborneur,
" Publiquement a fait son déshonneur ;
" L’enfant qu’ils ont est un fruit d’adultère.
" Que Dieu confonde et le fils et la mère
" Et puisqu’ils ont ma malédiction,
" Qu’ils soient livrés à l’inquisition ! "



" Il ne fit point une menace vaine ;
Et dans Milan le traître arrive à peine,
Qu’il fait agir le grand inquisiteur.
On me saisit, prisonnière on m’entraîne
Dans des cachots, où le pain de douleur
Était ma seule et triste nourriture :
Lieux souterrains, lieux d’une nuit obscure,
Séjour des morts, et tombeau des vivants !
Après trois jours on me rend la lumière,