Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/175

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Ce qu’un barbare a bien osé vous prendre !
Ah ! si le crime a pu le rendre heureux,
Que devez-vous à l’amour vertueux !
C’est lui qui parle, et vous devez l’entendre. "
Cet argument paraissait assez bon ;
Agnès sentit le poids de la raison.
Une heure pourtant elle osa se défendre ;
Elle voulut reculer son bonheur,
Pour accorder le plaisir et l’honneur,
Sachant très-bien qu’un peu de résistance
Vaut encor mieux que trop de complaisance.
Monrose enfin, Monrose fortuné
Eut tous les droits d’un amant couronné ;
Du vrai bonheur il eut la jouissance.
Du prince Anglais la gloire et la puissance
Ne s’étendait que sur des rois vaincus,
Le fier Henri n’avait pris que la France,
Le lot du page était bien au-dessus.



Mais que la joie est trompeuse et légère !
Que le bonheur est chose passagère !
Le charmant page à peine avait goûté
De ce torrent de pure volupté,
Que des Anglais arrive une cohorte.
On monte, on entre, on enfonce la porte.
Couple enivré de caresses d’amour,
C’est l’aumônier qui vous joua ce tour.
Le douce Agnès, de crainte évanouie,
Avec Monrose est aussitôt saisie ;
C’est à Chandos on prétend les mener.
A quoi Chandos va-t-il les condamner ?
Tendres amants, vous craignez sa vengeance ;
Vous savez trop par votre expérience,
Que cet Anglais est sans compassion.
Dans leurs beaux yeux est la confusion ;
Le désespoir les presse et les dévore ;
Et cependant ils se lorgnaient encore :
Ils rougissaient de s’être faits heureux ;
A Jean Chandos que diront-ils tous deux ?
Dans le chemin advint que de fortune
Ce corps anglais rencontra sur la brune
Vingt chevaliers qui pour Charles tenaient,
Et qui de nuit en ces quartiers rôdaient,