Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/185

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Attaquent tout sans honte et sans scrupule.
Ah ! sœur Agnès, sœur Marton, sœur Ursule,
Où courez-vous, levant les mains aux cieux,
Le trouble au sein, la mort dans vos beaux yeux ?
Où fuyez-vous, colombes gémissantes ?
Vous embrassez, interdites, tremblantes,
Ce saint autel, asile redouté,
Sacré garant de votre chasteté.
C’est vainement, dans ce péril funeste,
Que vous criez à votre époux céleste :
A ses yeux même, à ces mêmes autels,
Tendre troupeau, vos ravisseurs cruels
Vont profaner la foi pure et sacrée,
Qu’innocemment votre bouche a jurée.



Je sais qu’il est des lecteurs bien mondains,
Gens sans pudeur, ennemis des nonnains,
Mauvais plaisants, de qui l’esprit frivole
Ose insulter aux filles qu’on viole :
Laissons-les dire. Hélas ! mes chères sœurs,
Qu’il est affreux pour de si jeunes cœurs,
Pour des beautés si simples, si timides,
De se débattre en des bras homicides ;
De recevoir les baisers dégoûtants
De ces félons de carnage fumants,
Qui, d’un effort détestable et farouche,
Les yeux en feu, le blasphème à la bouche,
Mêlant l’outrage avec la volupté,
Vous font l’amour avec férocité ;
De qui l’haleine horrible, empoisonnée,
La barbe dure, et la main forcenée,
Le corps hideux, le bras noir et sanglant,
Semblent donner la mort en caressant,
Et qu’on prendrait dans leurs fureurs étranges,
Pour des démons qui violent des anges[1] !



Déjà le crime, aux regards effrontés,
A fait rougir ces pudiques beautés.
Sœur Rebondi, si dévote et si sage,

  1. Voltaire avait déjà employé ces vers dans le portrait de l'abbé Desfontaines, dont il dit
    Qu'on le prendrait, à ses fureurs étranges,
    Pour un démon qui viole des anges. (R.)