Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/220

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Pate-pelu dont l’esprit lucratif
Avait vendu ses lentilles en Juif[1].
Ce vieux Jacob (ô sublime mystère !)
Devers l’Euphrate une nuit aperçut
Mille béliers qui grimpèrent en rut
Sur des brebis qui les laissèrent faire.
Le moine vit de plus plaisants objets ;
Il vit courir à la même aventure,
Tous les héros de la race future.
Il observait les différents attraits
De ces beautés qui, dans leur douce guerre,
Donnent des fers aux maîtres de la terre.
Chacune était auprès de son héros,
Et l’enchaînait des chaînes de Paphos.
Tels, au retour de Flore et de Zéphyre,
Quand le printemps reprend son doux empire,
Tous ces oiseaux, peints de mille couleurs,
Par leurs amours agitent les feuillages :
Les papillons se baisent sur les fleurs,
Et les lions courent sous les ombrages
A leurs moitiés qui ne sont plus sauvages.



C’est-là qu’il vit le beau François premier.
Ce brave roi, ce loyal chevalier,
Avec Étampe heureusement oublie[2]
Les autres fers qu’il reçut à Pavie.
Là Charles-Quint joint le myrte au laurier,
Sert à la fois la Flamande et la Maure.
Quels rois, ô ciel ! l’un à ce beau métier
Gagne la goutte, et l’autre pis encore.
Près de Diane on voir danser les Ris[3],
Aux mouvements que l’Amour lui fait faire
Quand dans ses bras tendrement elle serre,
En se pâmant, le second des Henris.
De Charles neuf le successeur volage[4],
Quitte en riant sa Chloris pour un page,

  1. Notre auteur entend sans doute l'artifice dont usa Jacob quand il se fit passer pour Ésaü. Pate-pelu signifie les gants de peau et de poil dont il couvrit ses mains. (Note de Voltaire, 1762.) — Pate-pelu, expression rabelaisienne. Voyez Pantagruel, ancien prologue du quart livre. (R.)
  2. Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes. (Note de Voltaire, 1762.)
  3. Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois. (Id., 1762.)
  4. Henri III et ses mignons. (Id., 1762.)