Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/222

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D’un pied léger parcourt toute la France,
Où nul mortel ne daigne être dévot,
Où l’on fait tout excepté pénitence.



Le bon Régent, de son Palais-Royal,
Des voluptés donne à tous le signal.
Vous répondez à ce signal aimable,
Jeune Daphné[1], bel astre de la cour ;
Vous répondez du sein du Luxembourg,
Vous que Bacchus et le dieu de la table
Mènent au lit, escortés par l’Amour.
Mais je m’arrête, et de ce dernier âge
Je n’ose en vers tracer la vive image :
Trop de péril suit ce charme flatteur.
Le temps présent est l’Arche du Seigneur :
Qui la touchait d’une main trop hardie,
Puni du ciel, tombait en léthargie.
Je me tairai ; mais si j’osais pourtant,
O des beautés aujourd’hui la plus belle !
O tendre objet, noble, simple, touchant,
Et plus qu’Agnès généreuse et fidèle !
Si j’osais mettre à vos genoux charnus
Ce grain d’encens que l’on doit à Vénus ;
Si de l’Amour je déployais les armes ;
Si je chantais ce tendre et doux lien ;
Si je disais… Non, je ne dirai rien :
Je serais trop au-dessous de vos charmes.



Dans son extase enfin le moine noir
Vit à plaisir ce que je n’ose voir.
D’un œil avide, et toujours très-modeste,
Il contemplait le spectacle céleste
De ces beautés, de ces nobles amants,
De ces plaisirs défendus et charmants.
" Hélas ! dit-il, si les grands de la terre
Font deux à deux cette éternelle guerre ;
Si l’univers doit en passer par là,
Dois-je gémir que Jean Chandos se mette
A deux genoux auprès de sa brunette ?
Du seigneur Dieu la volonté soit faite :
_Amen, amen._ " Il dit, et se pâma,
Croyant jouir de tout ce qu’il voit là.

  1. Duchesse de Berry. (G. A.)