Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/256

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Machine affreuse, homicide, infernale,
Qui contenait dans son ventre de fer
Ce feu pétri des mains de Lucifer.
Par une mèche artistement posée,
En un moment la matière embrasée
S’étend, s’élève, et porte à mille pas
Bois, gonds, battants, et ferrure en éclats.
Le fier Talbot entre et se précipite.
Fureur, succès, gloire, amour, tout l’excite.
On voit de loin briller sur son armet
En or frisé le chiffre de Louvet :
Car la Louvet était toujours la dame
De ses pensers ; et piquait sa grande âme ;
Il prétendait caresser ses beautés
Sur les débris des murs ensanglantés.



Ce beau Breton, cet enfant de la guerre,
Conduit sous lui les braves d’Angleterre.
" Allons, dit-il, généreux conquérants,
Portons partout et le fer et les flammes,
Buvons le vin des poltrons d’Orléans,
Prenons leur or, baisons toutes leurs femmes. "
Jamais César, dont les traits éloquents
Portaient l’audace et l’honneur dans les âmes,
Ne parla mieux à ses fiers combattants.



Sur ce terrain que la porte enflammée
Couvre en sautant d’une épaisse fumée,
Est un rempart, que La Hire et Poton
Ont élevé de pierre et de gazon.
Un parapet, garni d’artillerie,
Peut repousser la première furie,
Les premiers coups du terrible Betfort.



Poton, La Hire, y paraissent d’abord.
Un peuple entier derrière eux s’évertue :
Le canon gronde ; et l’horrible mot : " Tue ! "
Est répété quand les bouches d’enfer
Sont en silence, et ne troublent plus l’air.
Vers le rempart les échelles dressées
Portent déjà cent cohortes pressées ;
Et le soldat, le pied sur l’échelon,
Le fer en main, pousse son compagnon.



Dans ce péril, ni Poton ni La Hire
N’ont oublié leur esprit qu’on admire.