Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/259

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Et l’on entend à travers mille cris :
" Vivent le roi, Montjoie, et saint Denys ! "



Charles, Dunois, et la Barroise altière,
Sur les Bretons s’élancent par derrière :
Tels que, des monts qui tiennent dans leur sein
Les réservoirs du Danube et du Rhin,
L’aigle superbe, aux ailes étendues,
Aux yeux perçants, aux huit griffes pointues,
Planant en l’air, tombe sur des faucons
Qui s’acharnaient sur le cou des hérons.



Ce fut alors que l’audace anglicane,
Semblable au fer sur l’enclume battu,
Qui de sa trempe augmente la vertu,
Repoussa bien la valeur gallicane.
Les voyez-vous, ces enfants d’Albion,
Et ces soldats des fils de Clodion ?
Fiers, enflammés, de sang insatiables,
Ils ont volé comme un vent dans les airs.
Dès qu’ils sont joints, ils sont inébranlables,
Comme un rocher sous l’écume des mers.
Pied contre pied, aigrette contre aigrette,
Main contre main, œil contre œil, corps à corps[1],
En jurant Dieu, l’un sur l’autre on se jette ;
Et l’un sur l’autre on voit tomber les morts.



Oh ! que ne puis-je en grands vers magnifiques
Écrire au long tant de faits héroïques !
Homère seul a le droit de conter
Tous les exploits, toutes les aventures,
De les étendre et de les répéter ;
De supputer les coups et les blessures,
Et d’ajouter aux grands combats d’Hector
De grands combats, et des combats encor :
C’est là sans doute un sûr moyen de plaire.
Mais je ne puis me résoudre à vous taire
D’autres dangers, dont un destin cruel
Circonvenait la belle Agnès Sorel,
Quand son amant s’avançait vers la gloire.



Dans le chemin, sur les rives de Loire,
Elle entretient le père Bonifoux,
Qui, toujours sage, insinuant, et doux,

  1. On trouve un semblable tableau dans Homère, Iliade, XIII, 130-131. (R.)