Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/302

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Quoi qu’on en dise, est bien digne qu’on l’aime ;
Point étourdi, point brouillon, point menteur,
Jamais méchant ni calomniateur.
Maître Chaumé, dessous sa mine basse[1],
Porte un cœur haut, plein d’une sainte audace ;
Pour sa doctrine il se ferait fesser.
Maître Gauchat[2] pourrait embarrasser
Tous les rabbins sur le texte et la glose.
Voyez plus loin cet avocat sans cause ;
Il a quitté le barreau pour le ciel.
Ce Sabotiers[3] est tout pétri de miel.
Ah ! l’esprit fin ! le bon cœur ! le saint prêtre !
Il est bien vrai qu’il a trahi son maître,
Mais sans malice et pour très-peu d’argent ;
Il s’est vendu, mais c’est au plus offrant.
Il trafiquait comme moi de libelles :
Est-ce un grand mal ? on vit de son talent.
Employez-nous ; nous vous serons fidèles.
En ce temps-ci la gloire et les lauriers
Sont dévolus aux auteurs des charniers.
Nos grands succès ont excité l’envie ;
Tel est le sort des auteurs, des héros,
Des grands esprits, et surtout des dévots :
Car la vertu fut toujours poursuivie.
O mon bon roi ! qui le sait mieux que vous ? "



Comme il parlait sur ce ton tendre et doux,
Charle aperçut deux tristes personnages,
Qui des deux mains cachaient leurs gros visages.
" Qui sont, dit-il, ces deux rameurs honteux ? "
— Vous voyez là, reprit l’homme aux semaines[4],
Les plus discrets et les plus vertueux

    Voltaire y substitua celui de Coyon. Toutes les éditions antérieures à celle de Kehl en font un auteur du temps de Charles VI. (R.)

  1. Autre calomniateur du temps. (Note de Voltaire, 1764.) — Chaumeix. (R.)
  2. Autre calomniateur. (Note de Voltaire, 1764.) — Gauchat. (R.)
  3. L'abbé Sabotier, ou Sabatier, natif de Castres, auteur de deux espèces de dictionnaires, où il dit le pour et le contre ; calomniateur effronté, et le tout pour de l'argent. Il trahit son maître, M. le comte de L…c, et fut chassé d'une manière un peu rude, dont il s'est ressenti longtemps. (Note de Voltaire, 1773.) — Le nom de Lautrec se lit en entier dans les éditions modernes. (R.)
  4. Frelon donnait alors toutes les semaines une feuille, dans laquelle il hasardait quelquefois de petits mensonges, de petites calomnies, de petites injures, pour lesquels il fut repris de justice, comme on l'a déjà dit. (Note de Voltaire, 1773.)