Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/317

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Mais généreux, et dans le fond humain.
Quand la douleur à de tels caractères
Fait éprouver ses atteintes amères,
Ses traits sur eux font des impressions
Qui n’entrent point dans les cœurs ordinaires,
Trop aisément ouverts aux passions.
L’acier, l’airain plus fortement s’allume
Que les roseaux qu’un feu léger consume.
Ce dur Anglais voit sa fille à ses pieds,
De son beau sang la mort s’est assouvie ;
Il la contemple, et ses yeux sont noyés
Des premiers pleurs qu’il versa de sa vie.
Il l’en arrose, il l’embrasse cent fois,
De hurlements il étonne les bois,
Et, maudissant la fortune et la guerre,
Tombe à la fin sans haleine et sans voix.



A ces accents tu rouvris la paupière,
Tu vis le jour, La Trimouille, et soudain
Tu détestas ce reste de lumière.
Il retira son arme meurtrière
Qui traversait cet adorable sein ;
Sur l’herbe rouge il pose la poignée,
Puis sur la pointe avec force élancé,
D’un coup mortel il est bientôt percé,
Et de son sang sa maîtresse est baignée.



Aux cris affreux que poussa Tirconel,
Les écuyers, les prêtres accoururent ;
Épouvantés du spectacle cruel,
Ces cœurs de glace ainsi que lui s’émurent ;
Et Tirconel aurait suivi sans eux
Les deux amants au séjour ténébreux.



Ayant enfin de ce désordre extrême
Calmé l’horreur, et rentrant en lui-même,
Il fit poser ces amants malheureux
Sur un brancard que des lances formèrent :
Au camp du roi des guerriers les portèrent,
Et de leurs pleurs les chemins arrosèrent.



Paul Tirconel, homme en tout violent

Prenait toujours son parti sur-le-champ.
Il détesta, depuis cette aventure,
Et femme, et fille, et toute la nature.
Il monte un barbe ; et, courant sans valets,