Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR L'HOMME. 427

Au faible et doux Cjtus, tout le jour occupe Des propos d'un flatteur et des soins d'un soupe?

  • Non, je donne co titre au cœur tendre et sul)limc

Qui prévient les besoins d'un ami qu'on opprime; Je le donne à Normand, je le donne à Cochin, Dont l'éloquente voix protégea l'orphelin : Aon pas à toi, Griffon, babillard mercenaire, Qui, prodiguant en vain ta vénale colère, Et changeant un art noble en un lâche métier, N'as fait qu'un plat libelle, au lieu d'un plaidoyer. Toi qui vas nous quitter, magistrat plein de zèle. Parlant comme de Tliou, jugeant comme Pucelle, Tendre et fidèle ami, bienfaiteur généreux, Qui peut te refuser le nom de vertueux? Jouis de ce grand titre, ô toi dont la sagesse N'est point le triste fruit d'une austère rudesse; Toi qui, malgré l'éclat dont tu blesses les yeux. Peux compter plus d'amis que tu n'as d'envieux. 'Certain législateur, etc.

L'édition de 1748 présente une seule différence; on y lit :

Non à toi, Mannory, bateleur mercenaire. Qui, vendant bassement ta stupidc colère, etc.

Et une note appelle .Mannory un c mauvais avocat, qui, manquant de causes et de pain, avait souvent reçu rauniôno de l'auteur, et qui plaida ensuite contre lui ridiculement ».

Mannory avait été l'avocat de Travonol dans son procès contre Voltaire, en 1746. C'était en 1744 qu'il avait reçu des bienfaits de Voltaire.

Dans quelques autres éditions on lisait :

Au cœur forme et sublime

Qui sut gagner mon cœur en forçant mon estime, A ce sage guerrier considéré des rois, Éloquent pour autrui, muet sur ses exploits; Je le donne à Normand...

Normand et Cochin étaient des avocats célèbres alors. Par ce sage guer- rier, M. de Voltaire désigne le maréchal d'Estrées, doyen de l'Académie française. Il s'était rendu cher aux gens de lettres, en s'opposant à une ca- bale de prêtres qui voulaient faire exclure de l'Académie l'auteur des Lettres persanes.

Le magistrat dont parle l'auteur est M. le comte d'Argental, ministre plénipotentiaire de l'infant duc de Parme, alors conseiller au parlement. Il avait été nommé intendant d'une des îles de l'Amérique, mais il n'accepta point cette place. Il quitta sa charge de conseiller au parlement, parce que l'absurdité et la barbarie de notre jurisprudence criminelle le révoltaient. 11 a été l'ami constant de M. de Voltaire depuis sa jeunesse jusqu'à la mort de ce grand homme, et l'a soutenu dans tous les temps de tout le crédit que des amis puissants pouvaient lui donner. Cette amitié si constante est une

�� �