Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/468

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Qui conduit des soldats peut gouverner des prêtres.
Un roi dont la grandeur éclipsa ses ancêtres
Crut pourtant, sur la foi d’un confesseur normand,
Jansénius à craindre, et Quesnel important ;
Du sceau de sa grandeur il chargea leurs sottises.
De la dispute alors cent cabales éprises,
Cent bavards en fourrure, avocats, bacheliers,
Colporteurs, capucins, jésuites, cordeliers,
Troublèrent tout l’État par leurs doctes scrupules :
Le régent, plus sensé, les rendit ridicules [1] ;
Dans la poussière alors on les vit tous rentrer.
   L’œil du maître suffit, il peut tout opérer.
L’heureux cultivateur des présents de Pomone,
Des filles du printemps, des trésors de l’automne,
Maître de son terrain, ménage aux arbrisseaux
Les secours du soleil, de la terre et des eaux ;
Par de légers appuis soutient leurs bras débiles,
Arrache impunément les plantes inutiles,
Et des arbres touffus dans son clos renfermés
Émonde les rameaux de la sève affamés ;
Son docile terrain répond à sa culture :
Ministre industrieux des lois de la nature,
Il n’est pas traversé dans ses heureux desseins ;
Un arbre qu’avec peine il planta de ses mains
Ne prétend pas le droit de se rendre stérile,
Et, du sol épuisé tirant un suc utile,
Ne va pas refuser à son maître affligé
Une part de ses fruits dont il est trop chargé ;
Un jardinier voisin n’eut jamais la puissance
De diriger des dieux la maligne influence,
De maudire ses fruits pendants aux espaliers,
Et de sécher d’un mot sa vigne et ses figuiers.
Malheur aux nations dont les lois opposées
Embrouillent de l’État les rênes divisées !
Le sénat des Romains, ce conseil de vainqueurs,

  1. Ce ridicule, si universellement senti par toutes les nations, tombe sur les grandes intrigues pour de petites choses, sur la haine acharnée de deux partis qui n’ont jamais pu s’entendre, sur plus de quatre mille volumes imprimés. (Note de Voltaire, l756.)