Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/553

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CHANT IV. 543

Ange de paix comme vaillant giienicM* : Qu'il soit béni ! grâce à son caducée, Par les plaisirs la discorde est chassée ; [.e vieux Yernet sous son vieux manteau noir (lâche en tremhlant sa mine embarrassée ; Et nous donnons le Tartuffe ce soir. — Tartn/fc: allons, je vole à cette pièce, Lui dit milord : j'ai haï de tout temps De ces croquants la détestable espèce ; Égayons-nous ce soir à leurs dépens. Allons, Bonnet, Covelle, et Catherine; Et vous aussi, vous Jean-Jacque et Vachine; Buvons dix coups, mangeons vite, et courons Bire à Molière, et siffler les fripons. » A ce discours enfant de l'allégresse, Bousseau restait morne, pâle, et pensif ; Son vilain front fut voilé de tristesse; D'un vieux caissier l'héritier présomptif N'est pas plus sot alors qu'on lui vient dire Que le bonhomme en réchappe, et respire. Bousseau, poussé par son maudit démon. S'en va trouver le prédicant Brognon : Dans un réduit à l'écart il le tire. Grince les dents, se recueille, et soupire ; Puis il lui dit : « Vous êtes un fripon ; Je sens pour vous une haine implacable ; Vous m'abhorrez, vous me donnez au diable ; Mais nos dangers doivent nous réunir. Tout est perdu; Genève a du plaisir; C'est pour nous deux le coup le plus terrible; Vernet surtout y sera bien sensible. Les charlatans sont donc bernés tout net! Ce soir Tartuffe, et demain Mahomet! Après-demain l'on nous jouera de même. Des Genevois on adoucit les mœurs, On les polit, ils deviendront meilleurs ; On s'aimera! Souffrirons-nous qu'on s'aime? Allons brûler le théâtre à l'instant. Un chevalier, ambassadeur de France, Vient d'ériger cet affreux monument, Séjour de paix, de joie, et d'innocence : Qu'il soit détruit jusqu'en son fondement!

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