Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/582

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Et de son bien s’emparant à ses yeux,
Se promener de ménage en ménage,
Tantôt porter la flamme et le ravage,
Et des brandons allumés dans ses mains
Aux yeux de tous éclairer ses larcins ;
Tantôt, rampant dans l’ombre et le silence,
Le front couvert d’un voile d’innocence,
Chez un époux le matois introduit
Faisait son coup sans scandale et sans bruit.
La Jalousie, au teint pâle et livide,
Et la Malice, à l’œil faux et perfide,
Guident ses pas où l’Amour le conduit ;
Nonchalamment la Volupté le suit.
Pour mettre à bout les maris et les belles,
De traits divers ses carquois sont remplis :
Flèches y sont pour le cœur des cruelles ;
Cornes y sont pour le front des maris.
Or, ce dieu-là, malfaisant ou propice,
Mérite bien qu’on chante son office ;
Et, par besoin ou par précaution,
On doit avoir à lui dévotion,
Et lui donner encens et luminaire.
Soit qu’on épouse ou qu’on n’épouse pas,
Soit que l’on fasse ou qu’on craigne le cas,
De sa faveur on a toujours à faire.
Ô vous, Iris, que j’aimerai toujours,
Quand de vos vœux vous étiez la maîtresse,
Et qu’un contrat, trafiquant la tendresse,
N’avait encore asservi vos beaux jours,
Je n’invoquais que le dieu des amours :
Mais à présent, père de la tristesse,
L’Hymen, hélas ! vous a mis sous sa loi ;
À Cocuage il faut que je m’adresse :
C’est le seul dieu dans qui j’ai de la foi.