Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/76

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Les plus constants à broncher comme à braire
A chaque pas dans la même carrière :
Ah ! je connais que tes soins les plus doux
Sont pour l’auteur du Journal de Trévoux[1].



Tandis qu’ainsi Denys notre bon père
Devers la lune en secret préparait
Contre l’Anglais cet innocent mystère,
Une autre scène en ce moment s’ouvrait
Chez les grands fous du monde sublunaire.
Charle est déjà parti pour Orléans,
Ses étendards flottent au gré des vents.
A ses côtés, Jeanne, le casque en tête,
Déjà de Reims lui promet la conquête.
Voyez-vous pas ses jeunes écuyers,
Et cette fleur de loyaux chevaliers ?
La lance au poing, cette troupe environne
Avec respect notre sainte amazone.
Ainsi l’on voit le sexe masculin
A Fontevrauld servir le féminin[2].
Le sceptre est là dans les mains d’une femme,
Et père Anselme est béni par madame.



La belle Agnès, en ces cruels moments,
Ne voyant plus son amant qu’elle adore,
Cède aux chagrins dont l’excès la dévore ;
Un froid mortel s’empare de ses sens :
L’ami Bonneau, toujours plein d’industrie,
En cent façons la rappelle à la vie.

  1. Le jésuite Berthier. (G. A.)
  2. Fontevraud, Fontevraux, Fontevrauld, Fons-Ebraldi, est un bourg en Anjou, à trois lieues de Saumnr, connu par une célèbre abbaye de f‍illes, chef d’ordre, érigée par Robert d'Arbrissel, né en 1017, et mort en 1117. Après avoir fixé ses tabernacles à la foret de Fontevrauld, il parcourut nu—pieds les provinces du royaume, afin d'exhorter à la pénitence les filles de joie, et les attirer dans son cloître; il fit de grandes conversions en ce genre, entre autres dans la ville de Rouen. Il persuada à la célèbre reine Bertrade de prendre l‘habit de Fontevrauld, et il établit son ordre par toute la France. Le pape, Paschal II le mit sous la protection du Saint—siége, en 1106. Robert, quelque temps avant sa mort, en conféra le généralat à une dame nommée Pétronille du Chemille, et voulut que toujours une femme succédât à une autre femme dans la dignité de chef de l'ordre, commandant également aux religieux comme aux religieuses. Trente-quatre ou trente-cinq abbesses ont succédé, jusqu‘à ce jour, à Pétronille, parmi lesquelles on compte quatorze princesses, et dans ce nombre cinq de la maison de Bourbon. Voyez sur cela Sainte-Marthe, dans le quatrième volume du Gallia christinum, et le Clypeus
    ordinis Fontelbraldensis, du P. de La Mainferme. (Note de Voltaire, 1762.)