Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/95

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Et Thalestris dans la Perse amenée,
Avaient reçu des moins riches présents
Des deux grands rois qui brûlèrent pour elles,
Qu’il n’en faisait aux chevaliers errants,
Aux bacheliers, aux gentes demoiselles.
Mais si quelqu’un d’un esprit trop rétif
Manquait pour lui d’un peu de complaisance,
S’il lui faisait la moindre résistance,
Il était sûr d’être empalé tout vif.



Le soir venu, monseigneur étant femme,
Quatre huissiers de la part de madame,
Viennent prier notre aimable bâtard
De vouloir bien descendre sur le tard
Dans l’entre-sol, tandis qu’en compagnie
Jeanne soupait avec cérémonie.
Le beau Dunois tout parfumé descend
Au cabinet où le souper l’attend.
Tel que jadis la sœur de Ptolémée[1],
De tout plaisir noblement affamée,
Sut en donner à ces Romains fameux,
A ces héros fiers et voluptueux,
Au grand César, au brave ivrogne Antoine ;
Tel que moi-même en ai fait chez un moine,
Vainqueur heureux de ses pesants rivaux,
Quand on l’élut roi tondu de Clairvaux ;
Ou tel encore, aux voûtes éternelles,
Si l’on en croit frère Orphée et Nason,
Et frère Homère, Hésiode, Platon,
Le dieu des dieux, patron des infidèles,
Loin de Junon soupe avec Sémélé,
Avec Isis, Europe, ou Danaé ;
Les plats sont mis sur la table divine
Des belles mains de la tendre Euphrosine,
Et de Thalie, et de la jeune Églé,
Qui, comme on sait, sont là-haut les trois Grâces,
Dont nos pédants suivent si peu les traces ;
Le doux nectar est servi par Hébé,
Et par l’enfant du fondateur du Troie[2],
Qui dans Ida par un aigle enlevé

  1. Cléopâtre. (Note de Voltaire, 1762.°
  2. Ganimède. (Id. 1762.)