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la terreur de nos voisins.

L’INDIEN

Pourquoi donc le bon versificateur Recina, fils de ce poëte indien Recina,* [1] si tendre, si exact, si harmonieux, si éloquent, a-t-il dit dans un ouvrage didactique en rimes, intitulé la Grâce & non les Grâces,

Le Japon où jadis brilla tant de lumière, N est plus qu’un triste amas de folles visions ?

LE JAPONOIS

Le Recina dont vous me parlez est lui-même un grand visionnaire. Ce pauvre Indien ignore-t-il que nous lui avons enseigné ce que c’est que la lumière ? que si on connaît aujourd’hui dans l’Inde la véritable route des planètes, c’est à nous qu’on en est redevable ? que nous seuls avons enseigné aux hommes les loix primitives de la nature, & le calcul de l’infini ? que s’il faut descendre à des choses qui sont d’un usage plus commun, les gens de son pays n’ont appris que de nous à faire des jonques, dans les proportions mathématiques ? qu’ils nous doivent jusqu’aux chausses appelées les bas au métier, dont ils couvrent leurs jambes ? Serait-il possible qu’ayant inventé tant de choses admirables ou utiles, nous ne fussions que des fous ? & qu’un homme qui a mis en vers les rêveries des autres fût le seul sage ? Qu’

  1. Racine, probablement, Louis Racine, fils de l’admirable Racine.[1765]