Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/166

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ntations inspirent la vertu par l’attrait du plaisir ; elles forment le goût, elles apprennent à bien parler & à bien prononcer. Je ne vois rien là que de très-innocent, & même de très-utile ; je compte bien assister à ces spectacles pour mon instruction, mais dans une loge grillée, pour ne point scandaliser les faibles.

ARISTON

Plus vous me découvrez vos sentiments, & plus j’ai envie de devenir votre paroissien. Il y a un point bien important qui m’embarrasse. Comment ferez-vous pour empêcher les paysans de s’enivrer les jours de fêtes ? c’est là leur grande manière de les célébrer. Vous voyez les uns accablés d’un poison liquide, la tête penchée vers les genoux, les mains pendantes, ne voyant point, n’entendant rien, réduits à un état fort au-dessous de celui des brutes, reconduits chez eux en chancelant par leurs femmes éplorées, incapables de travail le lendemain, souvent malades & abrutis pour le reste de leur vie. Vous en voyez d’autres devenus furieux par le vin, exciter des querelles sanglantes, frapper & être frappés, & quelquefois finir par le meurtre ces scènes affreuses, qui sont la honte de l’espèce humaine ; il le faut avouer, l’État perd plus de sujets par les fêtes que par les batailles ; comment pourrez-vous diminuer dans votre paroisse un abus si exécrable ?