Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/231

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Dieu & ses ministres, ses anges, que comme des êtres corporels : la distinction de l’ame & du corps, l’idée d’une vie après la mort, ne peuvent être que le fruit d’une longue méditation, & d’une philosophie très-fine. Demandez aux Hottentots, & aux nègres, qui habitent un pays cent fois plus étendu que le nôtre, s’ils connaissent la vie à venir ? Nous avons cru faire assez de persuader à notre peuple, que Dieu punissait les malfaiteurs jusqu’à la quatrième génération, soit par la lèpre, soit par des morts subites, soit par la perte du peu de bien qu’on pouvait posséder.

On répliquerait à cette apologie, Vous avez inventé un systême dont le ridicule saute aux yeux, car le malfaiteur qui se portait bien, & dont la famille prospérait, devait nécessairement se moquer de vous.

L’apologiste de la loi judaïque répondrait alors, Vous vous trompez ; car pour un criminel qui raisonnait juste, il y en avait cent qui ne raisonnaient point du tout. Celui qui ayant commis un crime ne se sentait puni ni dans son corps, ni dans celui de son fils, craignait pour son petit-fils. De plus, s’il n’avait pas aujourd’hui quelque ulcère puant, auquel nous étions très-sujets, il en éprouvait dans le cours de quelques années : il y a toujours des malheurs dans une famille, & nous faisions aisément accroire que ces malheurs étaient envoyés par une main divine, vengeresse des fautes secrètes.