Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/29

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Nous le sçavons, parce qu’il pense. O savans ! j’ai bien peur que vous ne soyez aussi ignorans qu’Épicure ; la nature d’une pierre est de tomber, parce qu’elle tombe ; mais je vous demande, qui la fait tomber ?

Nous sçavons, poursuivent-ils, qu’une pierre n’a point d’ame ; d’accord je le crois comme vous. Nous sçavons qu’une négation, & une affirmation ne sont point divisibles, ne sont point des parties de la matière ; je suis de votre avis. Mais la matière, à nous d’ailleurs inconnüe, possède des qualités qui ne sont pas matérielles, qui ne sont pas divisibles ; elle a la gravitation vers un centre que Dieu lui a donnée. Or cette gravitation n’a point de parties, n’est point divisible. La force motrice des corps n’est pas un être composé de parties. La végétation des corps organisés, leur vie, leur instinct, ne sont pas non plus des êtres à part, des êtres divisibles, vous ne pouvez pas plus couper en deux la végétation d’une rose, la vie d’un cheval, l’instinct d’un chien, que vous ne pourrez couper en deux une sensation, une négation, une affirmation. Votre bel argument tiré de l’indivisibilité de la pensée ne prouve donc rien du tout.

Qu’appelez-vous donc vôtre ame ? quelle idée en avez-vous ? Vous ne pouvez par vous-même, sans révélation, admettre autre chose en vous, qu’un pouvoir à vous inconnu, de sentir, de penser.

À présent, dites-moi de bonne foi, Ce