Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais on ne la peut concevoir sans étendue, & on peut la concevoir sans mouvement ? À cela on répondait ; Il est impossible que la matière ne soit pas perméable ; or étant perméable, il faut bien que quelque chose passe continuellement dans ses pores ; à quoi bon des passages si rien n’y passe ?

De réplique en réplique on ne finirait jamais ; le systême de la matière éternelle a de très-grandes difficultés comme tous les systêmes. Celui de la matière formée de rien n’est pas moins incompréhensible. Il faut l’admettre & ne pas se flatter d’en rendre raison ; la philosophie ne rend point raison de tout. Que de choses incompréhensibles n’est-on pas obligé d’admettre, même en géométrie ! Conçoit-on deux lignes qui s’approcheront toujours, & qui ne se rencontreront jamais ?

Les géomètres à la vérité nous diront ; Les propriétés des asymptotes vous sont démontrées ; vous ne pouvez vous empêcher de les admettre ; mais la création ne l’est pas, pourquoi l’admettez-vous ? Quelle difficulté trouvez-vous à croire comme toute l’antiquité la matière éternelle ? D’un autre côté le théologien vous pressera & vous dira, Si vous croyez la matière éternelle, vous reconnaissez donc deux principes, Dieu & la matière, vous tombez dans l’erreur de Zoroastre, de Manés.

On ne répondra rien aux géomètres, parce que ces gens-là ne connaissent que leurs lignes, leurs surfaces & leurs solides ; mais on pourra dire au