Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/175

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Mais c’est par préjugé que vous respecterez un homme revêtu de certains habits, marchant gravement, parlant de même. Vos parents vous ont dit que vous deviez vous incliner devant cet homme, vous le respectez avant de savoir s’il mérite vos respects : vous croissez en âge & en connaissances ; vous vous apercevez que cet homme est un charlatan pétri d’orgueil, d’intérêt, & d’artifice ; vous méprisez ce que vous révériez, & le préjugé cède au jugement. Vous avez cru par préjugé les fables dont on a bercé votre enfance ; on vous a dit, que les Titans firent la guerre aux dieux, & que Vénus fut amoureuse d’Adonis ; vous prenez à douze ans ces fables pour des vérités ; vous les regardez à vingt ans comme des allégories ingénieuses.

Examinons en peu de mots les différentes sortes de préjugés, afin de mettre de l’ordre dans nos affaires. Nous serons peut-être comme ceux qui du temps du systême de Lass s’aperçurent qu’ils avaient calculé des richesses imaginaires.

Préjugés de sens

N’est-ce pas une chose plaisante que nos yeux nous trompent toujours, lors même que nous voyons très-bien, & qu’au contraire nos oreilles ne nous trompent pas ? Que votre oreille bien conformée entende, vous êtes belle, je vous aime : il est bien sûr qu’on ne vous a pas