Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/91

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faire de marché avec eux. Oui, dit-il, nous étions des bœufs alors, Guillaume nous mit un joug, & nous fit marcher à coups d’aiguillons ; nous avons depuis été changés en hommes, mais les cornes nous sont restées, & nous en frappons quiconque veut nous faire labourer pour lui, & non pas pour nous.

Plein de toutes ces réflexions, je me complaisais à penser qu’il y a une loi naturelle indépendante de toutes les conventions humaines : le fruit de mon travail doit être à moi ; je dois honorer mon père & ma mère ; je n’ai nul droit sur la vie de mon prochain, & mon prochain n’en a point sur la mienne, &c. Mais quand je songeai que depuis Cordolaomor jusqu’à Mentzel, colonel de housards, chacun tue loyalement & pille son prochain avec une patente dans sa poche, je fus très-affligé.

On me dit que parmi les voleurs il y avait des loix, & qu’il y en avait aussi à la guerre. Je demandai ce que c’était que ces loix de la guerre ? C’est, me dit-on, de pendre un brave officier qui aura tenu dans un mauvais poste sans canon contre une armée royale ; c’est de faire pendre un prisonnier, si on a pendu un des vôtres ; c’est de mettre à feu & à sang les villages qui n’auront pas apporté toute leur subsistance au jour marqué, selon les ordres du gracieux souverain du voisinage. Bon, dis-je, voilà l’Esprit des loix.

Après avoir été bien instruit, je découvris qu’il y a de sages loix par lesquelles un berger est condamné à