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Athée, Athéisme. Sect. I.

saire, et qu’on doit se fier davantage à ceux qui pensent qu’un faux serment sera puni, qu’à ceux qui pensent qu’ils peuvent faire un faux serment avec impunité. Il est indubitable que dans une ville policée, il est infiniment plus utile d’avoir une religion (même mauvaise) que de n’en avoir point du tout.

Il paraît donc que Bayle devait plutôt examiner quel est le plus dangereux, du fanatisme, ou de l’Athéïsme. Le fanatisme est certainement mille fois plus funeste ; car l’Athéïsme n’inspire point de passion sanguinaire, mais le fanatisme en inspire : l’Athéïsme ne s’oppose pas aux crimes, mais le fanatisme les fait commettre. Supposons avec l’auteur du Commentarium rerum Gallicarum, que le chancelier de l’Hôpital fût athée, il n’a fait que de sages loix, & n’a conseillé que la modération & la concorde. Les fanatiques commirent les massacres de la St. Barthélemi. Hobbes passa pour un athée, il mena une vie tranquille & innocente. Les fanatiques de son tems inondèrent de sang l’Angleterre, l’Écosse & l’Irlande. Spinosa était non seulement athée, mais il enseigna l’Athéïsme ; ce ne fut pas lui assurément qui eut part à l’assassinat juridique de Barneveldt, ce ne fut pas lui qui déchira les deux frères de Witt en morceaux, & qui les mangea sur le gril.

Les athées sont pour la plupart des savants hardis & égarés qui raisonnent mal, & qui ne pouvant comprendre la création, l’origine du mal & d’autres difficultés, ont recours à l’hy-