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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

Pierre Calas & lui étant deſcendus, trouvèrent en-bas, auprès du magaſin, Marc-Antoine, en chemiſe, pendu à une porte, & ſon habit plié ſur le comptoir ; ſa chemiſe n’était pas ſeulement dérangée ; ſes cheveux étaient bien peignés : il n’avait ſur ſon corps aucune playe, aucune meurtriſſure.[1]

On paſſe ici tous les détails dont les Avocats ont rendu compte : on ne décrira point la douleur & le déſeſpoir du père & de la mère : leurs cris furent entendus des voiſins. Lavaiſſe & Pierre Calas, hors d’eux-mêmes, coururent chercher des Chirurgiens & la Juſtice.

Pendant qu’ils s’acquittaient de ce devoir, pendant que le père & la mère étaient dans les ſanglots & dans les larmes, le Peuple de Toulouſe s’attroupait autour de la maiſon. Ce Peuple eſt ſuperſtitieux & emporté ; il regarde comme des monſtres ſes frères qui ne ſont pas de la même Religion que lui. C’eſt à Toulouſe qu’on remercie Dieu ſolemnellement de la mort de Henri trois, & qu’on fit ſerment d’égorger le premier qui parlerait de reconnaître le grand, le bon Henri quatre. Cette Ville ſolemniſe encore

  1. On ne lui trouva, après le tranſport du cadavre à l’Hôtel-de-Ville, qu’une petite égratignure au bout du nez, & une petite tache ſur la poitrine, cauſées par quelque inadvertence dans le tranſport du corps.