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[iii] LE PAUVRE DIABLE. ^13

Maître Abraham, et ses vils compagnons, Sont une espèce encor plus odieuse. Quant aux catins, j'en fais assez de cas ; Leur art est doux, et leur vie est joyeuse : Si quel([uefois leurs dangereux appas A l'hôpital mènent un pauvre diable, Un grand benêt, qui l'ait l'homme agréable, Je leur pardonne, il l'a bien mérité.

(( Écoute, il faut avoir un poste honnête. Les beaux projets dont tu fas tourmenté Ne troublent plus ta ridicule tête; Tu ne veux plus devenir conseiller ; Tu n'as point l'air de te faire officier. Ni courtisan, ni financier, ni prêtre. Dans mon logis il me manque un portier : Prends ton parti, réponds-moi, veux-tu l'être? — Oui-da, monsieur. — Quatre fois dix écus Seront par an ton salaire ; et, de plus, D'assez bon vin chaque jour une pinte Rajustera ton cerveau qui te tinte; Va dans ta loge ; et surtout garde-toi Qu'aucun Fréron n'entre jamais chez moi.

— J'obéirai sans réplique à mon maître, En bon portier ; mais, en secret, peut-être J'aurais choisi, dans mon sort malheureux, D'être plutôt le portier des Chartreux ^ »

��1. Le Portier des Chartreux ost un livre qui n'est pas de la morale la plus aus- tère. On y trouve un portrait de l'abbé Desfontaines, plus hardi que tous ceux qu'on lit dans Pétrone. Cet ouvi'age est de l'auteur de la petite comédie intitulée

le B L'auteur était d'ailleurs aussi savant dans l'antiquité que dans l'histoire

des mœurs modernes; et il a composé des discours sérieux pour des personnages très-graves, qui ne savaient pas les faire eux-mêmes. {Note de Voltaire, 1771 et 1775.) — Le comte de Caylus ( voyez tome VIII, page 599) est auteur de la comédie intitulée le Bordel, ou le J.-F. puni, comédie en prose, en trois actes, 1736, in-S"; mais c'est par plaisanterie que Voltaire lui attribue le Portier des Chartreux,

imprimé, pour la première fois, sous le titre à' Histoire de Dom B , portier des

Chartreux, 1748, deux parties in-S"; réimprimé plusieurs fois, tantôt sons le titre à^Histoire de Gouberdom (nom anagrammatique), portier des Chartreux, 1772, in-8o, 1790, deux parties; tantôt sous celui de Mémoires de Saturnin, 1787, deux parties in-18, 1803, deux volumes in-18, etc. L'auteur de ce roman obscène est Jean-Charles Gervaise de La Touche, avocat au parlement de Paris depuis 1744, mort en 1782; il était né à Amiens. (B.)

��10. — Satires.

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