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V
INTRODUCTION

chercherait son nom sur les plaques blanches des via, vico, vicolo, salita, dont la vieille cité ligure est plus abondamment pourvue qu’aucune ville d’Europe. Et l’on songe que cet hommage-là, du moins, serait bien dû à un homme qui non seulement a comblé Gênes de services plus précieux encore que les Manin et les Mazzini, mais qui a en outre, pendant plus de trois siècles, nourri la chrétienté tout entière de belles histoires et de beaux sentiments.


Mais je m’aperçois que je n’ai pas dit encore le peu que je sais sur la vie de l’auteur de la Légende Dorée, et sur son séjour à Gênes en particulier.

Né en 1228, il avait seize ans lorsque, en 1244, il entra dans l’ordre des Frères Prêcheurs, fondé par saint Dominique en 1215. Cet ordre avait été fondé surtout, on ne l’ignore pas, pour « extirper les hérésies », ce qui lui assignait une tâche plutôt belliqueuse. Mais, par un phénomène singulier, l’ordre des Frères Prêcheurs a produit, en plus grand nombre même que l’ordre rival des Frères Mineurs, des moines d’une suavité d’âme toute franciscaine. Tel fut, notamment, saint Thomas d’Aquin, le « docteur angélique » ; tels le bienheureux Fra Angelico et son frère Fra Benedetto ; tel encore, un siècle plus tard, le délicat rêveur Fra Bartolommeo. Et le Frère Jacques de Voragine était de leur race. Tour à tour novice, moine, professeur de théologie, prédicateur, il unissait à l’éclat de sa science des mœurs si pures et une vertu si aimable que, aujourd’hui encore, tous les couvents domini-