Page:Voragine - Légende dorée.djvu/178

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l’évêque d’Antioche et des bêtes féroces. Et Trajan dit : « Puisque cet Ignace montre tant d’orgueil et d’obstination, qu’on lui lie les membres et qu’on lâche sur lui deux lions, afin que rien ne reste de son misérable corps ! » Et Ignace, se tournant vers la foule, lui dit : « Romains qui assistez à ce combat, sachez que ma peine n’est point sans récompense, car ce n’est point pour ma dépravation, mais pour ma piété que je souffre ici ! » Et il dit encore, d’après ce que rapporte l’Histoire ecclésiastique : « Je suis le froment du Christ, et les dents des bêtes vont me broyer afin de me changer en un pain savoureux ! » Ce qu’entendant, l’empereur dit : « Grande est la patience de ces chrétiens ! Où est le Grec qui souffrirait tout cela pour son Dieu ! » Et Ignace lui répondit : « Ce n’est point ma propre vertu qui me donne la force de souffrir, mais l’aide du Christ ! » Après quoi il se mit à provoquer les lions pour le contraindre à le dévorer. Et les deux terribles lions s’élancèrent enfin sur lui et l’étranglèrent ; mais rien ne put les forcer à manger sa chair. Et Trajan, à ce spectacle, fut rempli d’étonnement. Il quitta le cirque, après avoir ordonné qu’on ne s’opposât pas à ceux qui voudraient enlever le corps d’Ignace. Et les chrétiens enlevèrent ce corps, et l’ensevelirent avec honneur. Et, quelque temps après, Trajan reçut une lettre de Pline le Jeune, où celui-ci intercédait en faveur des chrétiens, louant fort leurs vertus. Alors l’empereur eut regret des maux qu’il avait infligés à Ignace ; et il décida que, désormais, les chrétiens ne seraient plus recherchés, mais qu’on punirait seulement ceux qui feraient profession publique de leur foi.

V. Et l’on raconte encore que saint Ignace, parmi tous les tourments qu’il eut à subir, ne cessa point d’invoquer le nom de Jésus-Christ. Et comme ses bourreaux lui demandaient pourquoi il répétait si souvent ce nom, il répondit : « C’est que je porte ce nom inscrit dans mon cœur ! » Et en effet, après sa mort, on ouvrit son cœur, et on y trouva le nom de Jésus-Christ écrit en lettres d’or. Et, à la vue de ce miracle, de nombreux païens se convertirent.