Page:Voragine - Légende dorée.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un jour vint à passer un saint moine, que les compagnons du brigand se mirent en devoir de dépouiller : mais l’homme de Dieu leur demanda à être conduit près de leur chef, disant qu’il avait un secret à lui communiquer. Amené en présence du brigand, il demanda à celui-ci de réunir tous les habitants de la forteresse, afin qu’il leur prêchât la parole de Dieu. Mais, lorsqu’ils furent assemblés, le religieux dit : « Vous n’êtes pas tous là ; quelqu’un manque ! » Et comme on lui disait que personne ne manquait : « Cherchez bien, » reprenait-il ; « vous verrez qu’il manque quelqu’un ! » Alors un des brigands s’écria : « En effet, un des valets n’est pas ici ! » Et le moine : « C’est précisément lui que j’attends. » On l’envoya donc chercher, mais, à la vue de l’homme de Dieu, il roula des yeux effrayés, se démena comme un insensé, et refusa d’approcher. Et l’homme de Dieu lui dit : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ je t’adjure de dire qui tu es et pourquoi tu es venu ici ! » Le valet répondit : « Puisque je suis forcé de parler, sachez que je ne suis pas un homme, mais un démon, qui, sous forme humaine, demeure depuis quatorze ans auprès de ce brigand. Notre chef m’avait envoyé auprès de lui pour guetter le jour ou il négligerait de réciter la Salutation Angélique ; car, ce jour-là, il nous aurait appartenu, et j’avais ordre de l’étrangler sur-le-champ. Seule, cette prière quotidienne l’empêchait de tomber en notre pouvoir. Mais j’ai eu beau le guetter : pas une fois il n’a manqué à la réciter. » Ce qu’entendant, le brigand, stupéfait, tomba aux pieds de l’homme de Dieu, demanda son pardon, et se convertit désormais à une vie meilleure.