Page:Voragine - Légende dorée.djvu/246

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la pria de le bénir. Mais elle : « C’est à toi plutôt de me bénir, mon père, toi qui as revêtu la dignité du sacerdoce ! » Et Zosime, voyant qu’elle connaissait non seulement son nom, mais aussi sa qualité de prêtre, s’étonnait davantage encore, et mettait encore plus d’insistance à lui demander sa bénédiction. Alors elle dit : « Que béni soit Dieu, rédempteur de nos âmes ! » Et pendant qu’elle priait, avec les mains étendues, il vit qu’elle était soulevée de terre à la hauteur d’une coudée. Sur quoi un doute surgit dans l’âme du vieil abbé, qui se demanda si ce n’était pas un esprit, faisant semblant de prier pour le décevoir. Mais elle : « Que Dieu te rassure, abbé, et t’empêche de prendre une pauvre pécheresse pour un mauvais esprit ! » Zosime la somma alors, au nom du Seigneur, d’avoir à lui dire qui elle était. Et elle : « Père, pardonne-moi, mais si je t’avoue qui je suis, tu t’enfuiras effrayé comme à la vue d’un serpent, et tes oreilles seront souillées de mes paroles, et l’air sera empesté de mon impureté ! » Mais, comme Zosime insistait, elle finit par lui dire :

« Je m’appelle Marie, et suis née en Égypte. Venue à Alexandrie, vers l’âge de douze ans, j’y ai fait pendant dix-sept ans métier de fille publique, vendant mon corps à qui en voulait. Mais, un jour, comme des habitants de la ville partaient pour adorer la sainte Croix à Jérusalem, je priai les matelots de me laisser m’embarquer avec eux. Ils me demandèrent si j’avais l’argent du passage. Et je leur répondis que je n’avais point d’argent, mais que, pour payer mon passage, je leur offrais mon corps. Et ainsi ils me prirent, et ce fut mon corps qui servit à les payer. Mais voici qu’à Jérusalem, comme je me présentais avec les autres pèlerins aux portes de l’église, je me sentis soudain repoussée par une force invisible, qui ne me permit point d’entrer dans l’église. Vingt fois je m’approchai des portes ; vingt fois, sur le seuil, cette force invisible me retint et m’empêcha d’entrer. Et tous les autres entraient librement, sans que rien les en empêchât : de telle sorte que, sitôt revenue à l’auberge, je compris que c’était là une conséquence de