Page:Voragine - Légende dorée.djvu/253

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précédé lui-même, laissant un vide impossible à remplir. Et tels étaient son courage et sa fermeté qu’il avait coutume de reprocher ouvertement leurs vices à l’empereur et aux princes.

V. On raconte que saint Ambroise, pendant un voyage à Rome, reçut l’hospitalité dans une villa de Toscane, chez un homme extrêmement riche, et qu’il s’informa avec insistance auprès de son hôte sur sa condition de fortune. À quoi l’hôte répondit : « Ma condition, seigneur, a toujours été heureuse et glorieuse. Voyez, j’ai des richesses infinies, un nombre incalculable d’esclaves et de serviteurs ; toujours tous mes vœux ont été réalisés, et jamais rien ne m’est arrivé de contraire, ni même de désagréable. » Ce qu’entendant, saint Ambroise fut stupéfait ; et il dit à ses compagnons de route : « Levez-vous, et fuyons au plus vite d’ici, car le Seigneur n’a point de place dans cette maison. Hâtez-vous, mes enfants, hâtons-nous de fuir, de peur que la vengeance divine ne nous surprenne ici et ne nous enveloppe dans l’expiation des péchés de ces gens-là ! » Et à peine Ambroise et ses compagnons avaient-ils quitté la maison, que, soudain, la terre s’ouvrit et engloutit, sans laisser de trace, ce riche et tout ce qui lui appartenait. Ce que voyant, Ambroise dit : « Voyez, mes frères, comme Dieu nous traite avec miséricorde quand il nous envoie des épreuves, et comme il nous traite avec sévérité quand il nous envoie une longue suite de plaisirs ! » Et l’on ajoute que, aujourd’hui encore, un fossé très profond reste creusé en ce lieu, pour garder le témoignage de cet événement.

VI. Cependant, saint Ambroise voyait croître de jour en jour parmi les hommes la cupidité, cette source de tous les maux. Il la voyait croître surtout chez les fonctionnaires, qui trafiquaient de tout, et aussi chez les dignitaires de l’Église. Et cette vue lui inspira une telle douleur qu’il pria Dieu de le délivrer du commerce d’un siècle aussi corrompu. Dieu entendit sa prière ; et, un jour, le saint évêque annonça à ses frères qu’après les fêtes de Pâques il ne serait plus avec eux. Or, quelques