Page:Voragine - Légende dorée.djvu/368

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quand l’enfant lui fut amenée, il l’interrogea sur sa condition, son nom et sa religion. Elle répondit qu’elle était de condition noble, qu’elle s’appelait Marguerite, et qu’elle était chrétienne. Alors le préfet : « Les deux premières de ces trois choses te conviennent à merveille, car tout est noble en toi, et il n’y a point de perle (margarita) qui égale ta beauté. Mais la troisième chose ne te convient pas, c’est-à-dire qu’une jeune fille si belle et si noble ait, pour Dieu, un crucifié. » Et elle : « D’où sais-tu que le Christ a été crucifié ? » Et lui : « Je l’ai lu dans les livres des chrétiens ! » Et Marguerite : « Puisque tu as lu ces livres, tu y as vu à la fois le supplice du Christ et sa gloire ; comment donc oses-tu croire à l’un et nier l’autre ? » Après quoi elle lui affirma que le Christ s’était spontanément soumis à son supplice pour notre rédemption, mais que, maintenant, il vivait de la vie éternelle. Et le préfet, irrité, la fit jeter en prison.

Le lendemain, il la manda de nouveau, et lui dit : « Enfant stupide, aie pitié de ta beauté, et adore nos dieux, si tu veux être heureuse ! » Mais elle : « J’adore celui qui fait trembler la terre, qui épouvante la mer et que craignent toutes les créatures ! » Et le préfet : « Si tu ne me cèdes, je ferai lacérer ton corps ! » Mais elle : « Je n’ai pas de souhait plus cher que de mourir pour le Christ, qui s’est condamné lui-même à mourir pour moi ! » Alors le préfet la fit attacher à un chevalet ; et on la battit si cruellement, d’abord avec des verges, puis avec des pointes de fer, que ses os furent mis à nu, et que le sang jaillit de son corps comme d’une source pure. Et tous les assistants disaient : « Ô Marguerite, quelle pitié nous avons de toi ! Oh ! quelle beauté tu as perdue par ton incrédulité ! Mais à présent, du moins, pour conserver ta vie, reviens à la vraie foi ! » Et elle : « Ô mauvais conseillers, éloignez-vous de moi ! Ce supplice de ma chair est le salut de mon âme ! » Puis, s’adressant au préfet : « Chien insatiable et impudent, tu as pouvoir sur ma chair, mais mon âme n’appartient qu’au Christ ! » Cependant le préfet, n’ayant pas la force de voir une telle effusion de sang, se cachait le visage