Page:Voragine - Légende dorée.djvu/443

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formellement d’accepter cet honneur, déclarant qu’il aimait mieux mourir que de consentir à ce qu’une élection se fît sur son nom. On lui demandait pourquoi il demeurait plutôt dans le diocèse de Carcassonne que dans celui de Toulouse, qui était le sien. Il répondit : « Parce que, dans le diocèse de Toulouse, je trouve bien des gens qui m’honorent, tandis que, dans celui de Carcassonne, tout le monde m’attaque. » Et comme on lui demandait quel était le livre où il avait le plus étudié, il répondit : « Le livre de la charité ! »

Certaine nuit, pendant que saint Dominique priait dans son église de Bologne, le diable lui apparut sous la figure d’un frère. Et le saint, croyant voir un de ses frères, lui faisait signe d’aller se coucher avec ses compagnons. Mais le diable, par dérision, lui répondait en lui adressant les mêmes signes de tête. Alors le saint, voulant savoir quel était le frère qui méprisait ainsi ses ordres, alluma une chandelle à l’une des lampes, et reconnut aussitôt à qui il avait affaire. Il se mit donc à invectiver véhémentement le diable, qui osa, à son tour, lui reprocher d’avoir rompu la règle du silence, en lui parlant. Le saint lui rappela que son titre d’abbé le dégageait de la règle du silence. Après quoi il le somma de lui dire comment il tentait les frères dans le chœur. Et le diable : « Je les fais venir trop tard et repartir trop tôt. » Dominique lui demanda comment il tentait les frères au dortoir. Et le diable : « Je les fais coucher trop tôt, se lever trop tard. » Saint Dominique lui demanda comment il tentait les frères au réfectoire. Et le démon, tout en sautant d’une table à l’autre, se borna à répéter plusieurs fois : « Par le plus et par le moins ! » Interrogé sur ce qu’il voulait dire, il répondit : « J’excite les uns à trop manger, pour qu’ainsi ils pèchent par gourmandise ; j’en excite d’autres à ne pas assez manger, pour qu’ainsi ils deviennent plus faibles et soient moins aptes au service de Dieu. » Dominique demanda ensuite au diable comment il tentait les frères au parloir. Et le diable : « Oh ! ce lieu-là est mon véritable domaine ; car lorsque les frères s’y réunissent pour parler entre eux, je les